SUR UNE LECTURE DE « BÊTES HUMAINES ? POUR UNE RÉVOLUTION VÉGANE. »

  Bêtes humainesVoilà un récent nouvel ouvrage sur le véganisme, savoir donc : sur la question de la cause animale et la place de l’Homme dans le monde — au beau milieu du monde où il n’est pas le seul.
Méryl Pinque a réuni ici quelques textes de Gary L. Francione, Valéry Giroux, Patrick Llored, Gary Steiner, elle-même, avec une introduction du philosophe français qui ne lâche rien : Michel Onfray.
   On ne saurait dire si Onfray est devenu vegan, ou si oui à quel degré d’implication. Cependant, pour cet intellectuel issu de la paysannerie — dans le sens noble de la rusticité —, qui dans ses ouvrages et ses colloques à l’Université Populaire démontre sans faille sa passion camusienne pour les faits et rien que les faits, et en raison de cela taille des sérieux costards aux philosophes et à leurs petits arrangements avec la réalité de l’Histoire, « [Les vegans] éclairent d’une forte clarté de trop grandes zones d’ombre. » C’est, sous la plume onfrayenne, un grand honneur, parce que lui ne tergiverse pas. Pour ce qu’on en sait d’autres lectures de lui, il tiendrait plutôt du réaliste à l’indienne, au sens où les indiens d’Amérique, s’ils consommaient de la viande, ne prélevaient que le strict nécessaire et respectaient la Nature comme une Mère Universelle.
   Michel Onfray émet un bémol quant à ce que les vegans assimilent fréquemment l’élevage massif aux camps de concentrations, et pour lui ça n’est pas la même chose. Les deux sont répréhensibles car sources de grandes souffrances, mais se situent sur des plans factuels et historiques différents. Fin de la préface.MICHEL ONFRAY
     On notera avec les auteurs suivants que « (nos occupations n’auraient) pas de lien avec l’état du monde, alors qu’elles en sont la cause indubitable. » selon les carnistes. Pour G. L. Francione, la plupart des réfractaires au véganisme sont sujet à la « dissonance cognitive », c’est-à-dire qu’ils fabriquent toutes sortes d’« acrobaties mentales pour nier la réalité. » Le problème majeur qui joue en sa défaveur, c’est que « l’animal ne revendique pas politiquement son existence » et que donc l’Homme lui est supérieur en nature et en droit. Pourtant, cela « ne signifie pas [que l’animal] n’a pas d’individualité, ni que cette existence n’a pas d’égale valeur intrinsèque. » C’est même avec le soutien philosophique millénaire et quasi unanime, rejoint plus tard par les sciences, que l’animal est nié dans son existence et dans son intégrité, en vertu justement de ce qu’il n’a pas — prétendument — comme le « langage » ou la « raison ». Sans morale, sans « société » digne de ce nom, l’animal n’est pas grand-chose, sinon de la matière exploitable à loisir. « L’on pourrait même dire que rien de ce qui a été fait en philosophie ne tient plus dès lors que l’on (re)donne à l’animal la juste place qui est la sienne. »
    En conséquence, même s’il a existé des défenseurs précoces des animaux (Plutarque, Pythagore, dans une certaine mesure), ils vivent depuis l’avènement de nos civilisations in potestate domini (sous le joug d’un maître). Il pourrait en aller autrement et nous pourrions « éradiquer de façon progressive le statut de propriété des animaux non humains » si nous voulions bien prendre du recul sur nos mœurs, si nous regardions en face nos procédés techniques de domination sur les bêtes, « si nous prenions les animaux au sérieux et reconnaissions notre obligation de ne pas les traiter en objets, [alors donc] nous cesserions totalement de faire advenir à la vie des animaux domestiques. »
L’exemple du film The Truman Show dont se sert Valéry Giroux pour démontrer qu’on peut croire avoir une vie heureuse et libre alors que c’est tout le contraire, illustre bien que l’interrogation de la liberté (animale en l’occurrence) — puisque c’est de la leur rendre qu’il est question profondément — se situe même à propos de la propriété des animaux domestiques. Font-ils, eux qu’on aime et qu’on choie, exactement ce qu’ils veulent ? Si nous leur donnions le choix, resteraient-ils auprès de nous ? Question vaine : si nous le faisions nous commencerions de n’en avoir pas. « La liberté purement négative de Truman demeurerait entière, jusqu’à ce qu’il découvre l’ignoble vérité et soit psychiquement empêché de fuir. » Rappelons-nous l’oursonne qui s’est suicidée en se jetant contre un mur après avoir tué son petit pour échapper à leurs bourreaux qui les maintenaient en cage pour leur extirper la bile de leurs foies (Chine). On voit bien, on le sait, que les animaux souffrent et ont une représentation tout à fait consciente d’eux-mêmes dans le monde. Si une réalité ne leur convient pas, et s’ils peuvent en changer, ils en changent (songeons ne serait-ce qu’aux grandes migrations).
Retour à la philosophie (antique) avec Patrick Llored qui nous raconte Empédocle. (Pour nous) Découverte : au Vème siècle av. J.-C, « la pensée Empédocléenne est donc marquée par une pensée grave à l’égard de l’animal, dont l’exigence éthique a été rarement atteinte dans l’histoire de la tradition philosophique occidentale, et dont la radicalité fait toute la modernité. » Il faudrait (re)lire les Peri Phuseôs (Les Origines), où Empédocle semble avoir été le seul véritable penseur qu’« […] il existe un lien profond entre tous les êtres, une horizontalité fondamentale qui interdit toute hiérarchie […] ». Pour lui, l’Homme ne peut s’extraire d’un tout dont la totalité est la coexistence des différences, formant une communauté inséparablement naturelle et morale. Ainsi donc, et parce qu’il n’est pas nécessaire que nous le fassions pour vivre, « si en plus la mort d’un vivant quel qu’il soit s’achève par la consommation de la chair de ce dernier, alors Empédocle n’hésite pas à parler d’allélophagie, c’est-à-dire de cannibalisme. »
Méryl Pinque nous conte par la suite les excès littéraires et artistiques depuis la Renaissance à nos jours, où chaque fois les différences sont faites sous l’égide paternaliste du mâle humain. Triste réalité en effet, qu’il faut toutefois replacer — à notre sens — dans son contexte, tout comme même un Léonard de Vinci, parce qu’ayant vécu en son temps, aussi génial qu’il fut, n’aurait pas pu découvrir la théorie de la relativité générale… mais il était végétarien, comme Einstein. Les grands esprits se rencontrent. PINQUE
   Pour conclure, arguons avec Gary Steiner qui nous refait l’explication des conflits entre la justice et le droit, et montre de quoi pour leurs intérêts économiques ou autres les hommes sont capables, qu’il faudrait tout simplement laisser aux bêtes vivre leur « épanouissement en accord avec leur potentiel naturel. »
M.

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