ARTICLE VIDÉO#1 — PUNK ET VÉGANISME — D’APRÈS « ÉCOPUNK » DE FABIEN HEIN

PUNK ET VÉGANISME  — D’APRÈS « ÉCOPUNK » DE FABIEN HEIN ET DOM BLAKE
ecopunk-couv   Manière de vivre contestataire aux modes d’expressions artistiques à vif, le mouvement punk  est en marge des canons de la société. En musique, il a été rendu célèbre dans le milieu des années 70 par les Sex Pistols en Angleterre et les Ramones aux États-Unis. À la lecture d’Écopunk on voit que le punk c’est pas ça. En réalité le subversif chez les anarcho-punks n’est pas en rapport avec ce qu’en ont véhiculé les médias et l’appréciation populaire.

   C’est beaucoup dans l’expression musicale que les idées libertaires et égalitaristes des punks se sont manifestées. Le kiff des anarcho-punks c’est : Vivre à la campagne, l’autosuffisance, l’antifascisme, le véganisme, le vélo, le Do It Yourself ou encore le refus de la société de consommation. Les figures de référence ont de quoi surprendre le quidam : Henri-David Thoreau, John Muir, Elisée Reclus, Gunther Anders, Rachel Carson, Peter Singer, André Gorz… Comme l’écrit Fabien Hein, le groupe britannique Crass et les anarcho-punks ont contribué à l’émergence d’une conscience politique qui s’est diffusée bien au-delà de la scène punk proprement dite, une conscience dont les racines remontent loin au XIXe siècle a minima. Ainsi, dès 1978, Crass et le collectif Dial House font figure de proue du mouvement anarcho-punk. Ils sont les premiers à conférer un contenu écolo au discours insurrectionnel. Très vite suivent d’autres formations comme The Poison Girls, The Apostles, Flux of Pink Indians ou le groupe écossais Oi Polloi qui interprête In Defense of Our Earth. D’ailleurs fin 79 début 80, Mike Rosselle et Dave Foreman, inspirés des travaux de Rachel Carson, l’auteure de Printemps Silencieux ou par l’« éthique de la Terre » d’Aldo Leopold et les réflexions de l’écologue Arn Naess, fondent Earth First!, association qui veille à protéger la Nature du pillage industriel. La même année naît  le slogan « Go Vegetarian ! »
conflict-punk   En 1981, Flux of Pink Indians sort son album Neu Smell sur lequel on trouve la chanson « Sick Butchers » où c’est à l’hypocrisie du consommateur de viande qu’on s’adresse : « Vous essayez de me caresser dans les champs, et vous me mangez à l’heure du repas », dit la chanson. En 82 Crass dénonce l’instinct de mort de la société dans Sentiment (White feather). Puis début 80 la scène punk voit émerger d’autres groupes ardents défenseurs de la cause animale. Conflict chante Meat Still Means Murder sur l’album It’s Time to See Who’s Who en 83 et sortira même un 45 tours intitulé To a Nation of Animal Lovers, tandis qu’en 1982 le groupe MDC dénonce la corruption banale de la société en déclarant « lutter contre la domination des corps et des esprits par la satisfaction du ventre » contre le mirage de la société et des multinationales.
   À Londres, c’est carrément « Stop the City » en 84 qui tente de paralyser le monde des affaires comme s’en inspirera « Occupay Wall Street » plus tard en 2011. Pour le punk anglais il faut rejeter un système qui oppresse et opprime, un « style de vie de merde »comme le chanteront Anti-System dans « Paradise ». C’est ce même monde que fustige alors les fameux Dead Kennedys avec à leur tête Jello Biafra dans l’album « Plastic Surgery Disaster » Le mouvement punk cherche à mettre en pratique ses théories d’une voie de l’autonomie vis-à-vis de l’industrie agroalimentaire (p.69) pour sortir de l’aliénation technologique et échapper à la mégamachine (p.78) comme plus tard évoqué par Saw Throat dans Inde$troy à la pochette cyberpunk éloquente.
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   Si la cause animale a pris un tournant décisif dans les années 80 en Grande-Bretagne, c’est en Amérique du Nord durant les années 90 qu’elle s’est imposée comme un des critères déterminants de « l’authenticité punk ». Pas surprenant dès lors, que la PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) entame bientôt un long partenariat avec la scène musicale punk et ses dérivés. C’est en 1986 que PETA frappe fort avec le film Breaking Barriers qui montre la libération de chimpanzés du labo SEMA dans le Maryland. Pendant ce temps, l’état britannique répond avec des sanctions très fortes aux attaques contre les boucheries et les abattoirs. « Le nombre de prisonniers détenus au titre de la cause animale fut parfois supérieur à celui des prisonniers de l’IRA. »
   Aux States au début dès 1990, ce sont des groupes comme Nausea, Naturecore, Beefeater, Anti-Heros, Vegan Reich, futur fondateur du courant « hardline », ou encore Aus-Rotten, Good Riddance, Antischism, et Earth Crisis avec « biomachines » qui enchaînent. La dernière décennie du XXe siècle met la question animale au cœur de leurs préoccupations dans le style vegan straight edge, et des fanzines comme Ecovegan ou Slug and Lettuce voient le jour. En 91 un livre de recettes va faire un véritable carton : Soy, not, Oi qui participe de façon décisive au grand essor du véganisme, et c’est grâce au punk. 1992 marque l’apparition du Earth Liberation Front en Angleterre. Il prône la défense de la planète et la désobéissance civile. C’est à Seattle qu’ouvrira en 1995 un lieu resté célèbre : le Black Cat Café. S’y produisaient des groupes punks, on y faisait la promotion de l’autonomie, du bio, et on y professait le rejet de toute forme de marchandisation. C’est à cette époque que Brian A. Dominick, activiste anarcho-punk officiant pour le fanzine Inside Front, invente le terme « véganarchisme » dans son excellent Libération Animale et Révolution Sociale.go-vegan-straight
   Peu à peu, les groupes comme Earth Crisis se distinguent par des textes plus intellectuels, autrefois plus durs, qui infléchissent son discours avec le temps (p.36), ou bien les canadiens de Propagandhi qui sortent en 1996 Less Talk, More Rock / Nailing Descartes to the Wall et Apparently, I’m A « P.C. Fascist ». Propaghandi déclare : « Je ne suis pas moins stupide que les autres, mais je connais mes erreurs […] il faut cesser consommation animaux. » Il faut dire que la riposte étatique est sans pitié. Barry Horne, un membre A.L.F. qui était également dans les Animal Right Militia, écope de 18 ans de réclusion.
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   Enfin c’est dans les années 2000 que se développe le Freeganisme depuis Portland, et que le DIY acquiert ses lettres de noblesse. Matt Gauck,  un de ses plus fervents porte-paroles, prône la recherche d’un réensauvagement et l’atteinte de l’autosuffisance radicale. Aux côtés du véganisme et du désir de vivre sans le faire aux dépens de personnes humaines ou non-humaines, le Do It Yourself et le vélo deviennent prépondérants. À bas les bagnoles et vive la débrouille — et l’entraide !
   Comme écrit Fabien Hein : depuis 2000, entre PETA et la scène rock étatsunienne, c’est une grande histoire d’amour (p.39). Le groupe Most Precious Blood en 2003 insère dans son album Our Lady of Annihilation un jeu de cartes avec des slogans comme « Question Anthority », ou « Les amis n’enchainent pas les amis, laissez entrer les chiens ». Et la même année PETA s’associe au label punk Fat Wreck Chords pour une meat-petacompilation : Libération. Songs to Benefit Peta. Internet accélère la cause des animaux et la diffusion des idées punks et véganes quand Isa Chandra Moskowitz propose en 2003 une émission qui aura beaucoup de succès : Post Punk Kitchen. Pour les punks et véganes du nouveau millénaire, il faut  « raisonner à hauteur d’estomac » (p.67), autrement dit prendre conscience des équilibres sociaux et écologiques, de son propre impact, etc. L’ethnologue Dylan Clark dit que : « Les punks pensent que la nourriture industrielle emplit les corps des normes, des logiques et de la pollution morale du capitalisme et de l’impérialisme… » Leur « régime alimentaire » c’est « une puissante critique du statu quo. (The Raw and the Rotten. Punk cuisine. Ethnology, vol.43, n°1 — 2004) Maintenant les artistes comme Propagandhi, Bad Religion, The Used, Stick to Your Guns, MxPx, affirmant leur position en faveur animaux, sont sur le site de Peta2, et Rise Against assure la promotion du végétarisme en 2011 en déclarant : « Meat is Murder » — la viande, c’est du meurtre. Puis en 2012 c’est Antiflag qui parraine la campagne « Never Be Silent ».
   Le punk et le véganisme sont très liés. Peut-être pas en France, mais Fabien Hein dit bien qu’il existe « …des liens de légitimation réciproque entre les milieux punk et des organisations de lutte aux modes de fonctionnement plus ou moins horizontaux tels que l’Animal Liberation Front, Stop the City, Reclaim the Street, Earth First!, Food Not Bombs, Critical Mass, etc. » (p.134). Et si on observe à présent de curieux mélanges d’éthique punk et de webmarketing ouvrant la porte à la critique d’un embrigadement par un capitalisme sans cruauté (« cruelty free capitalism ») où les activistes consomment leur identité en guise d’accomplissement politique (cf. p.139), il est indéniable qu’à l’instar de Larry Livermore, la principale figure de la scène punk de San Francisco au début des années 80, être végane c’est être un peu — beaucoup, ou à la folie — écopunk et vice versa — en guise non plus d’un « retour à la terre » façon hippies, mais bel et bien d’un réassolement qui va des toits potagers des grandes villes américaines à la permaculture en Touraine. Une envie de faire naître une autre société, un puissant désir de construire une communauté (p.181).
K&M

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