SUR « LE COMPLEXE DES TROIS SINGES. ESSAI SUR L’ANIMALITÉ HUMAINE » D’ÉTIENNE BIMBENET
« Elle avait vu, alignées dans des rangées de boxes étroits, immobilisées par des camisoles de nylon, des vaches, des vaches, des vaches… Dans le mufle de chacune s’enfonçait un tube nourricier, jusqu’au fond de l’estomac. »
in Une rose au paradis — René Barjavel (Pocket, p.24)
— As-tu fini tes singeries ? regardez-moi un peu ce grand (bim)benêt à quoi il s’amuse !
in « Les bœufs » dans Les contes du chat perché — Marcel Aymé (et nous) — 1939
« […] nous tremblons à la simple idée d’une torture qui pourrait être infligée à un homme ou à un animal et nous souffrons atrocement en apprenant l’existence indubitable d’un fait de ce genre. »
in Aurore — Friedrich Nietzsche (folio essai, p.65)
Le malicieux auteur de L’animal que je ne suis plus (2011) revient en cette fin d’année avec un essai dans la parfaite continuité de ses travaux précédents, travaux consistant en la reconnaissance que l’espèce humaine appartient au règne animal dans son ensemble, tout en cherchant par tous les moyens à affirmer, de l’aveu empressé de Bimbenet, non plus la supériorité de l’être humain sur les autres vivants, mais son ultime particularisme — sublime singularité que le philosophe entend défendre à tout crin, et ce en tentant de redéployer une forme de métaphysique humanitaire — au secours des humains ! — à l’encontre des courants de pensées féministes, transgenristes, transhumanistes et animalistes. Entreprise risquée. Non pas qu’on ne puisse pas émettre des critiques à l’égard des idéaux de ces courants pourvu qu’elles soient constructives, mais hormis un fourre-tout assez brouillon et maladroit, Étienne Bimbenet ne parvient qu’à laisser voir, de (sa) bonne foi, (que) le trouble existentiel contemporain d’un certain humano-centrisme mal à l’aise avec l’idée de la libération animale et les arguments connexes en sa faveur et celle d’autres existences (on voit mieux encore combien F. Burgat avait bien choisi son titre), c’est-à-dire des humanités négligées. Cet essai ne sert finalement qu’à revendiquer une soi-disant ouverture d’esprit en forme de promesse à venir sans entrer de vivo dans le vif du sujet et se coltiner à la réalité du vivant. Étienne Bimbenet se paye le luxe, en cette triste période de dissolution de la biodiversité qui se traduit chaque fois par la souffrance des êtres concernés, d’écarter d’un revers présomptueux les questions de notre temps en voulant brouiller les pistes et noyer le poisson. Hélas pour lui, c’est sa propre tentative de mêler animalisme et animisme, égalitarisme et antimétaphysique, qui fait plouf, tant son argumentaire s’avère confus parce que poussif, comme lorsque dès le début de son ouvrage il déclare solennellement à propos de l’animalité humaine qu’elle est — le fait que le vivant humain ne soit rien d’essentiellement autre qu’un animal — […] en passe de devenir un énoncé aussi peu discutable que pouvait l’être naguère le créationnisme[1]. Ce qu’il entend bien contester en dénonçant ce qu’il appelle le « zoocentrisme. »
Ainsi donc le philosophe Étienne Bimbenet part-il en croisade afin de démontrer que l’homme est un animal pas comme les autres dès lors qu’il est le seul à pouvoir se dire comme les autres. Pour lui quelque chose ne va pas […] au royaume du zoocentrisme contemporain, quelque chose qui, comme on va le voir, appelle la critique, et un sursaut de lucidité[2]. Mais qu’est-ce que le professeur appelle-t-il exactement le zoocentrisme ? Ce serait, a priori, ce courant de pensée philosophique s’étant infusé dans la société civile ces quarante dernières années et qui consiste à avoir de la considération pour le bien-être animal (ses représentants premiers sont Peter Singer et Tom Regan). Bimbenet ne tarde pas à faire savoir ce qui le turlupine dans cette affaire : « Car c’est une chose de militer contre l’exploitation et le sort scandaleux fait aux animaux ; c’en est une autre que de croire que l’amélioration de leur sort implique d’abolir la frontière entre « eux » et « nous ». » (p.19) C’est là qu’on sait qu’on ne va pas être d’accord. En effet, Bimbenet argue donc que celleux qui défendent les notions de droits fondamentaux des animaux seraient en train de gommer peu à peu une prétendue frontière ontologique et de dissoudre l’humain dans l’animal. Ce qu’exprime là Étienne Bimbenet, ça semble être le fameux « processus de de-spéciation » énoncé par Franck Cosson dans Animalité & Humanité. La frontière croisée (p.423) qui ferait disparaître « les frontières entre espèces ». Curieuse allégation quand dans le même temps Cosson nous rappelle — bien qu’il ne soit pas de ces animalistes-là justement — que dans sa curieuse capacité à générer ce qui lui ressemble et à produire une violence aliénatrice fondée sur le déni d’identité qu’il a du mal à assimiler, c’est souvent l’homme qui abêtit l’animal en le réduisant pour le transformer en être unidimensionnel privé de toute possibilité qui le montrerait sous d’autres facettes ou en le conditionnant de telle manière qu’il ne manifeste que ce conditionnement, incapable alors d’exprimer ce qu’il est en lui-même ou relativement à nous[3]. C’est bien cela le cœur de la question animale que même Michel Onfray (et pourtant…) a su voir, l’abêtissement systématisé du non-humain. Mais a contrario, et assez curieusement, l’auteur de ce complexe simiesque paraît s’offusquer de ce que l’antispécisme (animalisme, véganisme, dans cet ouvrage tout cela participe d’une zoopolitique peu distincte) se veut égalitaire et place les animaux sur une base de justice identique pour les humains et les non-humains. « C’est ainsi qu’un égalitarisme de mauvais aloi n’est jamais loin du discours animaliste, venant pervertir l’intention et fausser l’engagement. » avance l’auteur page 19, en ajoutant que « Vouloir la révision des faits au nom du respect dû à l’autre c’est nuire aux faits […] » et que dans le but de mieux respecter les animaux il faut « […] ne pas se raconter d’histoire à leur propos [et que cela] prépare une communauté des vivants moins utopique, plus clairvoyante et par là plus crédible. » Toute une communauté d’intellectuel-le-s, de militant-e-s et d’activistes apprécieront l’altitude du prêche. Les voici myopes (le terme est de Bimbenet lui-même), utopistes (l’occurrence plaira à Aymeric Caron…) et pas crédibles. L’étonnant, c’est que le philosophe admet bien volontiers que l’assertion de l’« exception humaine » est une idée qui n’est plus tenable (cf. p.20). On ajoute de bon cœur que c’est valable aussi bien lorsqu’on a affaire aux individus de la société humaine. De fait nous sommes différent-e-s, avec des capacités diverses, des qualités et des défauts, des circonstances de vies très différentes aussi, et pourtant aux yeux de la loi nous sommes tous — censé-e-s être — sur un même pied d’égalité. Pour Étienne Bimbenet il y a chez les défenseurs des animaux une sorte de radicalité non métaphysique[4] qui selon lui ne tient pas compte du phénomène de l’hominisation. Peu à peu, on voit dans son écriture s’immiscer un doute du genre cartésien, ou plutôt exactement une mise en doute de la viabilité de la position animaliste en semant le trouble quitte à énoncer des contre-vérités à demi-mot : « Accepter que l’homme se distingue de l’animal n’est pas nécessairement une faute contre la pensée, ou contre l’animal. » (p.34) Qui chez les animalistes hormis sur la question des droits fondamentaux, on le répète, déclare que l’être humain n’est pas un peu particulier dans la faune ? personne ! Il est bon de rappeler que la notion d’égalité en justice est, comme l’explique Valéry Giroux dans son dernier essai visée par les droits antidiscriminatoires, tout comme de celle qui est la conséquence de l’application adéquate d’une norme non comparative. Si, bien évidemment, il n’est jamais acceptable de traiter deux personnes différemment sans raison valable […], comment, demande encore la philosophe québécoise, justifier la discrimination entre les êtres humains et les autres animaux au regard de la reconnaissance de l’intérêt à ne pas souffrir des individus et de l’attribution du droit de ne pas être torturer qui en découle ?[5] C’est en somme tout ce pour quoi en faveur des animaux les animalistes plaident. La libération animale consiste en la cessation de leur exploitation, quel qu’en soit le type.
Nous nous inscrivons en faux — animalistes de tous poils — contre l’embrouillamini fictionnel de ce philosophe lyonnais (un original dans sa région) qui déploie tout un arsenal symbolique anthropologique (donc métaphysique) pour faire accroire au quidam que nous traitons mal la question animale[6]. Pour ce faire, Bimbenet s’appuie à la fois sur les propos de l’ami célèbre des bêtes qu’est Francis Wolff (ne riez pas) et Zoopolis de Donaldson et Kymlicka dans un grand écart époustouflant. Et en effet, cela coupe le souffle.
Ce qui chiffonne le professeur de philosophie c’est qu’aujourd’hui — environ depuis Darwin mais plus encore depuis l’éthologie des années 60 jusqu’à la génétique moderne, il soit reconnu que l’espèce humaine est une des espèces ayant tiré son épingle du jeu évolutif et que, de facto, on puisse dire que c’est une espèce comme les autres, autrement dit : parmi les autres depuis toujours, initialement égale partie intégrante au biotope. Il déplore la « thèse de l’animalité humaine[7] ». Plus encore, c’est avec le concours des scientifiques que cette animalité malvenue s’inviterait dans notre humanité : « […] les sciences de la vie […] envisagent l’être humain comme un animal. » écrit-il page 49 avec pour preuve la « pensée » de Francis Wolff qui dit que l’animalité humaine n’est pas une conclusion ou un résultat, mais participe de la démarche même de la science (cf. Notre humanité. D’Aristote aux neurosciences). Étant donné que Bimbenet fustige cet animalisme comme s’il s’agissait d’une maladie incapacitante pour notre précieuse humanité, on peut répondre à l’auteur qui s’attaque à la question comme on s’en prend aux arguments fumeux du créationnisme et aux textes religieux apocryphes, que l’animalité de l’humain n’est rien d’autre qu’une qualité biologique basique. L’humain est originairement, épigénétiquement, animal. D’ailleurs, n’est-il pas le zoon politikon ? Où cet hominime est parmi les espèces architectes, celle qui construit la notion de biopolitique et donc se doit de faire profiter des bienfaits de son pouvoir mondain les autres espèces. Lorsque Étienne Bimbenet insinue, voire exprime clairement que l’antimétaphysique animaliste est un animisme, on voit qu’il cherche à dénoncer ce qui pour lui est une erreur, une sorte de mythe et de politique profane à la fois. Dans le même temps que lire qu’il s’appuie sur Francis Wolff qui est un ardent défenseur de la corrida qui parvient à énoncer que s’il voit un oiseau en détresse il le sauvera — d’où notre inquiétude au sujet de sa santé mentale (dissonance cognitive aigue) —, l’auteur du Complexe des trois singes opère un tour savant, invertit la réalité pour lui substituer ce que justement il entend montrer du doigt comme une engeance extravagante malgré les précautions prises par les principaux intéressé-e-s. Karine Lou Matignon explique bien que le souci pour les intérêts des animaux n’a rien d’une fantasmagorie ou d’une zoophilie fantasmée. « C’est d’ailleurs là tout l’enjeu de l’éthologie comparée, écrit-elle : souligner les analogies, sans projeter sur les animaux nos délires fantasmatiques. » (p.19 in Sans les animaux, le monde ne serait pas humain — Albin Michel) Car c’est là tout l’enjeu de la cause animale : ne pas laisser l’humain faire ce qu’il veut symboliquement ni réellement des animaux. Il est, mille fois hélas, trop tard pour bon nombre (le mot est si faible) d’entre eux et depuis longtemps, sans compter que ça n’est pas terminé. C’est toute la zoopolitique de la cohabitation qu’il faut ressasser contre la prétendue négative animalisation de l’humain — par l’humain. Parce que ce ne sont pas les animaux qui nous animalisent, mais bel et bien nous qui, ne nous animalisons pas, nous humanimalisons. Oui, nous n’avons pas de peine à dire que nous sommes des animaux humains. Et nous savons notre différence mais notre particularité ne doit pas nous élever, même idéellement parlant, au-dessus des autres. Comme on va le voir, Étienne Bimbenet use d’une rhétorique à même de verrouiller autour de nous une « humanité » artificielle parce qu’elle se veut métaphysique, donc transcendantale. Nous pensons que la seule transcendance se situe dans l’immanence et qu’elle est l’être qui va étant, donc ontologie pure, qu’elle trouve un dépassement par la subjectivité dans le vivant, puis encore dans l’intersubjectivité. Comme le soumet Baptiste Morizot, on peut être anthropomorphe si et seulement si on est conjointement rigoureusement zoomorphe. […] nous définir comme êtres vivants, dans une animalité commune, diffractée[8]. Par conséquent nous sommes, comme les autres, des animaux différents. Là où, pour libérer les non-humains, Bimbenet prétend dresser une frontière (peras) ontologique, nous disons que c’est un parcours de re-co-naissance qu’il nous faut cheminer, et accepter qu’avec les autres vivants nous ayons un point commun évident, bien réel. Et dire que nous sommes des animaux ne nous assimile à rien qu’à une catégorie, une simple description taxonomique pratique. Car en effet, quand je dis que je suis un animal à qui cela me compare-t-il ? À un singe, un élan, un orque ? On voit bien qu’on ne peut pas être dégradé par cette affirmation, sinon, à la limite, à me reconnaitre dans l’Homme quand il aliène ce qui ne lui ressemble pas et qu’il considère comme inégal, comme inférieur. Nous allons voir combien il faut se méfier de la phraséologie bimbenetienne qui à toute force se veut performative. Seulement il faudra bien se rappeler que « […] énoncer une phrase déclarative, ce n’est pas toujours décrire une réalité déjà donnée, mais, dans certains cas, c’est instaurer une nouvelle réalité […]. » (cf. François Recanati, La transparence et l’énonciation. Pour introduire à la pragmatique, p.100 — Seuil) De fait, il n’est pas possible de séparer l’humain, même sur un simple plan métaphysique, de l’animal. Et à l’allégation de l’auteur, l’inviter à viser une éthique-métaphysique comme mouvement de la biopolitique dans l’élucidation de son ontologie (ici) plutôt que de décrire l’animalisme (zoopolitique, antispécisme, abolitionnisme) comme une « antimétaphysique ». Arguons que la multiplicité des mondes vécus n’élit en rien celui de l’humain en principe régulateur, démiurgique, mais qu’il s’avère en possession du seul biopouvoir qui vaille : celui du protecteur. Et c’est d’abord donc de lui-même qu’il doit protéger les animaux. Le normatif anthropocentrique n’a de sens que s’il rassemble les sens du monde et que cela lui donne du sens à sa vie. Autrement dit le sens de la vie des autres : vivre, est ce qui rend sensée l’existence humaine. Étienne Bimbenet ne s’en laisse pas conter et il est plein de ressources pour mélanger les genres quoi qu’il en dise ! L’animalisme entre pourtant dans un large mouvement de libération biopolitique des différences à intégrer l’en-commun écosystémique. Ainsi est-on pour une laïcisation totale de la biopolitique, c’est-à-dire une sortie radicale et définitive de toute forme de croyance à l’endroit des animaux. Seul le savoir compte, ainsi que les faits. Le seul idéal restant, que le philosophe n’hésite pas à taxer d’utopie comme un déraisonnable et un irréalisable, est celui de la garantie des droits fondamentaux des animaux. À l’instar de Bruno Latour, nous voyons dans ce real la possibilité d’une nouvelle alliance[9] car « Croire qu’il n’y a que deux positions, le réalisme et l’idéalisme, la nature et la société, telle est justement la source essentielle du pouvoir symbolisé par le mythe de la Caverne et que l’écologie politique doit aujourd’hui laïcisé. » (Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, p.53 — Editions La Découverte) De la même façon qu’il peut se présenter en tant que « philosophe humaniste », le propre de l’homme, en effet, est d’être un grand répartiteur de destins ontologiques, habile à se présenter sous des masques divers selon les formes qu’il adopte pour se déléguer en partie dans des animaux, des machines ou des divinités[10] — ce que n’admet pas l’auteur qui se montre sous un jour réactionnaire. En effet, dès lors que le masque d’autrui devient réel, le philosophe devient imprécateur.
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En réalité c’est contre un ensemble de courants — courants qui ne vont pas toujours ensemble, au sens où ils n’ont pas de lien direct ou de but identique — qu’Étienne Bimbenet se rebiffe. Au prétexte que notre époque est celle du transhumanisme et du développement de l’Intelligence Artificielle, l’auteur s’essaye à un exercice de philosophie cybernétique pour persuader son lectorat du terrible danger qui le guette.
On se croirait dans un monde à la Enki Bilal ! Mais, ce n’est pas parce que certain-e-s pensent sérieusement à la possibilité d’hybrider l’humain, l’animal et la machine[11], et que cela questionne à propos des droits et des devoirs de ces êtres et des nôtres en face d’eux qu’il y a un problème. La bioéthique, l’éthique animale et la justice sont là pour encadrer ce « lamarckisme technologique ». Par ailleurs les animalistes ne sont pas du tout au premier chef les promoteurs d’une techno-chimérisation du vivant, bien au contraire. Alors certes, si « il y a déjà longtemps que s’exprime l’exigence d’aménager notre existence quotidienne de sorte qu’elle soit compatible avec celles des êtres non humains qui nous environnent » (M. Besnier, Demain les posthumains, p.11), il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour les humains de ce qu’on fait ou pourrait faire aux animaux mais plutôt d’avoir du souci pour eux. Cette humanité « augmentable » dont se méfie Bimbenet (p.51), serait plutôt à voir comme cette espèce qui par bien des aspects s’accroit au détriment de la présence même des autres étant-vivants. L’animalité humaine, quoi que le philosophe dise pour brouiller les pistes, n’est pas quelque chose de faux en soi. Il en donne un aperçu qui est une distorsion de la réalité où les non-humains sont toujours les victimes, affirmant une factualité biologique pour en nier aussitôt le corrélat moral comme s’il diminuait du coup la dignité humaine. Rappelons-nous ce qu’écrivait Roger Callois dans Le robot, la bête et l’homme en 1966 : « Je me persuade que la fraternité de l’univers humain et de l’univers animal s’étend bien au-delà de la simple biologie.[12] »
Rapidement l’auteur nous emmène à ce constat qu’il fait avant même d’avoir eu le temps d’en faire toute la preuve si tant est que le postulat puisse être prouvé : Nous sommes épistémologiquement schizophrènes chaque fois que nous posons scientifiquement que l’homme est un animal comme les autres[13]. Afin de nous rallier à son idée, Étienne Bimbenet nous donne des exemples éloquents comme celui qui dit que nous savons conduire des voitures et dans des conditions particulièrement difficile en termes de prise en compte de multiples facteurs (et de risques) comme de le faire sur la place de la Bastille (p.76). Effectivement, même un chimpanzé ne saurait le faire, mais d’abord il n’y verrait aucun intérêt. Force est de constater que la réciproque est vraie également. La chercheuse en intelligence animale Emmanuelle Pouydebat nous dit la même chose quant au singe et la façon dont il se déplace et retrouve son chemin dans une forêt touffue où pour l’humain il n’y que du vert et pas d’horizon[14]. L’émerveillement phénoménal est le même, strictement. On sent nos poils se hérisser vraiment cela dit, lorsque Bimbenet s’attaque à l’éthique animale au prétexte que l’argument de la similitude des esprits n’a que l’apparence de la générosité […][15] avec l’aplomb de sources propres à l’antispécisme (sur le distingo entre spécisme absolu et spécisme conditionné). Est-ce que l’auteur se rend compte qu’il tient des propos très analogues aux discours fascisant et négationnistes lorsqu’il écrit : « De même, dire que les chimpanzés, parce qu’ils passent avec succès le test du miroir et qu’ils ont une conscience de soi, méritent une considération morale égale à la nôtre, c’est sous-entendre que la conscience de soi appelle le respect et que nous avons le devoir de la favoriser. Le passage de l’être au devoir-être recouvre toujours une décision normative plus ou moins explicite mais quoi qu’il arrive arbitraire en son principe (historiquement et culturellement contingente) » (p.89) ? Bravo : Étienne Bimbenet invente le voyage dans le temps et avec lui on retourne dans le passé. Remettons donc en cause l’égalité avec les personnes dites de couleur tant qu’on y est, parce qu’après tout c’est une construction historique et culturellement contingente qui a mené après l’esclavage à les reconnaître comme des êtres humains au même titre que les blancs. Ah mais oui : pour l’essayiste si la sensibilité polarise la vie de l’organisme, il faut préciser derechef que l’empathie est un enfer pavé de bons sentiments et l’intérêt porté par certain-e-s aux droits des animaux est partial et hiérarchisant[16]… comme l’anthropocentrisme. Pour lui donc l’empathie ne suffit pas, elle semble même ne pas compter. Effectivement, si tout organisme focalise son milieu par le biais du souffrir ou son contraire, on ne peut s’engager vraiment en vertu de la sensibilité des autres, ce qui l’amène à nous diriger vers la notion de « variation éidétique[17] ». Dit autrement, l’auteur nous entraine dans une phénoménologie trouble et atone dont la qualité est d’opacifier les rapports affectifs interspécifiques. En se basant sur les travaux de Robert Nozick (Questions d’éthique pratique), le professeur déclare que « L’égalité requise peut certes promouvoir, mais en sa radicale neutralité
elle peut aussi aplanir. » Il ressort de cette analyse dont l’objectif est de rendre caduque toute entreprise de libération des corps par compassion, qu’elle espère qu’on ne voit plus l’éthique animale que comme un « égocentrisme du vivant » se substituant à l’anthropocentrisme, que c’est une « violence à l’œuvre » qu’il nomme de « pathocentrisme ». C’est pourtant contre l’impensé normatif et arbitraire d’un humanisme autocentré (si ce n’est : autiste) que s’élève l’animalisme politique. Ce que l’auteur s’évertue à éviter soigneusement dans son discours, c’est la logique de non-sens qui dit que l’on ne peut rien partager de l’ordre de l’idéel (empathie, affection) avec les animaux quand dans le même temps on fait usage de leur force, de leurs sécrétions, de leur corps. À l’en croire, l’idéel et le matériel seraient deux choses bien distinctes et cela permettrait finalement d’avaliser la dichotomie laissant aux humains l’apanage de l’esprit et de la dignité, et aux animaux une existence dépourvue d’intérêt suffisant à opposer à ceux des humains. Selon le philosophe de ce complexe complexe […] les défenseurs des animaux élaborent un « périmètre protecteur » (notion qu’il emprunte à Locke) lorsqu’ils déterminent un très général droit à la vie. Reconnaître un droit à certains animaux, dit-il, c’est leur reconnaître une valeur inhérente qui nous oblige directement à leur égard[18]. On veut bien en effet être les obligés des animaux à qui nous devons, a minima 1) l’équilibre écosystémique des biotopes dont nous faisons partie et 2) la richesse symbolique de leur coprésence, cette phénoménalité biodiverse sans laquelle pas de mythes, de contes, de chimères, … Nous sommes les obligés des animaux, oui, et cela n’est pas une contrainte, pas une obligation, mais bien plutôt sommes-nous invités dans ce vivre-en-commun qu’il convient alors de protéger puisque nous y sommes inclus et que c’est dans ces autres-là que, quelque part, l’on se reconnaît également. Mais quelle découverte pour Bimbenet que cette obligation. Et c’est là que le bât blesse, qui voit dans l’animalisme la possibilité d’une biopolitique, d’allouer une agentivité au sens moral kantien aux animaux si l’on veut, sans pour autant que la théorie des époux Donaldson et Kymlicka soit un sophisme naturaliste comme l’affirme Étienne Bimbenet pour qui les éthiques animales correspondent à une immense réduction eidétique[19]. Autrement dit, l’auteur pense que se tourner vers l’idée d’une égalité de droits fondamentaux (le droit de vivre sa vie, le droit de ne pas souffrir, le droit de ne pas être exploité pour ce que l’on est) entre humains et non-humains cela est problématique. En tout cas cela dérange monsieur l’essayiste. Pour lui, cette biopolitique-ci (la zoopolitique ou politique pro-animale) est une construction sociale[20] libérale, un « trait d’époque »[21] qui pourrait bien déborder le simple cadre de la question animale. Mais en cela il y voit un danger, celui d’un « […] progressisme déflationniste réduisant le vivre-ensemble humain à une coexistence de vivants atomisés, à une réunion d’individus primitivement sensibles à eux-mêmes avant d’être attachés à autrui. » (p.137) On pourrait très bien, partant que Bimbenet apprécie Locke, rebondir sur la notion de propriété et de contrat social qui découle de son œuvre, en rappelant ce qu’en dit Corine Pelluchon dans Les Nourritures : « Vivre, c’est aussi avoir son chez soi, être propriétaire du lieu où l’on vit et même, dans l’idéal, de la terre où l’on cultive son jardin et son potager afin de se procurer les aliments nécessaires à sa vie et d’embellir son existence. » (op. cit. p.225) que serait par conséquent avoir son chez soi pour les animaux sinon vivre dans leur milieu ? Encore faudrait-il que le milieu propice à l’épanouissement de chaque animal ne disparaisse pas au profit de l’architecture mondaine humaine. Le poncif qui consiste à dire que la Terre est notre maison (écoumène) n’en reste pas moins une vérité absolue ; et cette vérité est multiple et inclut l’existence d’autres étant-vivants que nous autres êtres humains. Seulement d’autres, tels Étienne Bimbenet, philosophe — dit-on —, s’évertuent à proposer des modèles de pensées réactionnaires en pratiquant, bien entendu, le mélange des genres et des critiques pour mieux rendre invisible la pauvreté de leur position politique. Comme on le découvre au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture du complexe des trois singes d’ÉtienneBimbenet, cet homme est pétri de peur. Une curieuse phobie le hante. C’est celle d’être dévalué alors qu’on élèvera les animaux au rang d’égaux de droits fondamentaux. « On se convainc de devoir respecter celui qui foule au pied jusqu’au respect lui-même ; de la même manière on s’imagine en toute sincérité qu’un loup, un chimpanzé ou un dauphin pourraient bien avoir une vie spirituelle, une sagesse intérieure ou une mémoire épisodique insoupçonnées et comparables aux nôtres. Le même désengagement joue dans les deux cas, la même approbation les yeux fermés. » écrit l’auteur à la page 142. Malgré beaucoup de précautions pour avoir l’air de philosopher, et surtout se donner l’air respectable de celui qui disserte et respecte ceux qu’il dispute, Bimbenet échoue. Il ne peut s’empêcher de montrer son mépris, sa morgue due à sa fichue trouille. Ah ! mais c’est un monde ! dirait-on. Tout un monde en effet que nie Bimbenet qui fait mine de ne pas (sa)voir que « […] la politique est une zoopolitique et une cosmopolitique, que les intérêts des générations futures et des animaux, même appréhendés de manière approximative, entrent dans la définition du bien commun et que la valeur des écosystèmes n’est pas uniquement relative au profit immédiat que nous pouvons en tirer. » (p.277 in Les Nourritures, C. Pelluchon)
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Il faudra faire ici l’impasse sur les analyses biaisées que pratique Bimbenet à l’encontre des intellectuel-le-s du transhumanisme et du transgenrisme. Trop long, s’écartant trop du simple cadre de l’antispécisme et du véganisme même si, évidemment, tout est lié. Et l’auteur ne s’y est pas trompé qui l’a bien remarqué. De là à fustiger la zoopoétique de Donna Haraway qui magnifie grâce au langage l’échange de salive qu’elle a avec son chien quand elle l’embrasse et qu’il lui rend par un coup de langue si basiquement canin… puis s’attaquer à la quête identitaire et tout mettre dans le même panier jusqu’à la réflexion cybernétique (cyborg, I.A., etc.), voilà la réduction eidétique pure — la mollesse de l’impensé avec un relent de patriarcat[22].
Rapidement à court d’arguments, consentant à reconnaître que les animaux subissent des mauvais traitements sans pourtant s’y arrêter — les nommer mettrait-il de facto son discours humaniste métaphysique à mal ? — Étienne Bimbenet nous dit à plusieurs reprises que l’idéologie du zoocentrisme[23] c’est pour lui une position rabaissant le particularisme humain. […] nous sommes embarqués, précise Bimbenet, dans l’étrange fiction transcendantale d’un monde commun à tous les vivants possibles[24]. Selon nous non : c’est bien tout le contraire. N’est transcendant que l’abandon du rapport de domination sur l’autre, humain ou animal, et l’abandon bien sûr de la posture prédatrice. Si tout monde humain est fictionnel, et ici nous rejoignons l’auteur sur ce point, nous réfutons que l’antinaturalisme se situe justement dans une mythographie animaliste qui effacerait notre humanité, la noierait dans le tout du vivant. À l’inverse cela magnifie notre humanité. On ne peut donc pas rendre compte d’une déhiscence à ce niveau. Ce qui n’est pas naturel c’est d’exploiter autrui lorsque cela ne sert que des enjeux économiques sans aucune nécessité biologique. Cette […] étrangeté radicale des vies animales à l’égard de la vie humaine[25] dont parle Étienne Bimbenet, n’a rien à voir l’étrangeté de toute phénoménalité tout court, et vivante a fortiori, que traque Dylan Trigg dans The Thing. Une phénoménologie de l’horreur (Editions MF, 2017). « La nature est à la fois fondement vivant de notre être dans toute son articulation charnelle — et sans nous. » écrit Trigg (p.139). Le véritable questionnement qui se pose depuis quelques dizaines d’années et plus encore à l’heure de l’anthropocène au début du troisième millénaire, est de ceux qui, à l’aune d’un tournant bio-historique aussi définitif dans sa possible ouverture (protection de tout vivant) ou sa clôture (extinction de masse et esseulement humain) aura une incidence majeure sur l’évolution « choisie » des humanités façonnant leur(s) milieu(x). Étienne Bimbenet nous montre qu’il a choisi son camp là où Michel Tibon-Cornillot explique que […] à travers les questions bioéthiques, ce sont les structures symboliques, traditionnelles et classiques, encore vivantes et agissantes dans les sociétés occidentales, qui sont sommées de disparaître ou de gagner leur dernière bataille[26]. On pense également au travail de David Chauvet dans son dernier ouvrage (Une raison de lutter. L’avenir philosophique et politique de la viande) lorsqu’Étienne Bimbenet réitère le fond de sa pensée tombant comme une sentence : « La sentience, la vie sensible à soi, n’est rien en soi qui nous oblige. » (op. cit. p.295) C’est nier la dignité non pas absolue mais relative — relative à l’en-vie et son émotion, autrement dit sa forme de mobilité-motivation ontologique — au fait d’être en vie et en intersubjectivité avec nous dans la mondanisation du biologique. Tout simplement Bimbenet fait fi de la violence exercée à l’encontre des animaux, cette violence qui est « le prix à payer pour affirmer notre dignité, […] » dont parle Chauvet (op. cit. p.98). Même : il la soutient puisque pour lui la sentience ne signifie rien, n’est pas à même de valider des droits réciproques liminaires et cependant partageables à l’envie (à l’infini) avec les non-humains. Mais pour l’auteur de cet essai érudit et de très mauvaise foi, la prétention humaine à la découverte et à l’application du « vrai bien » fait partie des « fictions rationnelles » et que « l’éthique animale est sommée de composer avec d’autres sources de droit que la seule sensibilité. » (p.289) D’où son insistance à comparer animalisme et animisme pour dire que les défenseurs de la cause animale et de leurs droits se trompent, car ils confondraient le mode d’apparaître propre aux vivants humains avec les phénoménologies propres aux non-humains jusqu’à anthropologiser la question, [à savoir] commencer par reconnaître que c’est à nous qu’incombe de porter secours à certains animaux (ou de cesser de les exploiter) et non à eux de plaider leur cause bien que, tel qu’il l’affirme à toute force les animaux « n’ »ont pas de droits, si l’on entend par là qu’ils seraient objectivement dotés d’une dignité intrinsèque, reçue par voie naturelle ou métaphysique, comme un héritage d’espèce ou un don de Dieu[27]. La nature ne pouvant, il est vrai, délivrer aucun droit, il faut que ceci soit une construction « métaphysique » si l’on veut, même si le terme est ambigu et pompeux en l’occurrence, et on se demande bien ce qui empêche, encore une fois, qu’on partage avec les animaux l’usufruit de l’invention et la mise en pratique de ce droit, sinon le refus carnophallogocentrique (cf. J. Derrida ou P. Llored) strict non pas d’accorder mais bien de répartir ce(s) droit(s) en dépit de la cohabitation des étant-vivants au sein du monde et de notre commune origine biologique (épigénétique)[28] ? Avec Valéry Giroux qui rappelle après les travaux du professeur de biopsychologie et neuroscience Kent C. Berridge, dire qu’« il ne s’agit pas de dire qu’il n’y aucune réelle différence entre les humains et les autres animaux. Il y a peut-être de vraies différences dans l’organisation des émotions. Mais si tel est le cas cette différence et de nature quantitative et de degré modéré — plutôt que qualitative ou massive.[29] »
On pourrait gloser longtemps autour des réflexions d’Étienne Bimbenet. Mais en arrivant au comble de sa lecture lorsqu’il avance que le bien-être est relatif en vantant le travail de Jocelyne Porcher[30], on sent bien qu’on a affaire à un livre partisan et non à une œuvre philosophique. Qu’on se rende compte : « […] il y a des biens dont l’animal n’est pas nécessairement conscient […] » (p.312) puisque de toute façon « Il y a toujours davantage dans la vie que la survie ou la conservation de soi. La vie humaine ne se réduit pas à sa vulnérabilité ; la vie bonne ne se confond pas nécessairement avec le bien-être de qui n’est pas contrarié dans ses intérêts. » (p.306). Enfin, on croit rêver quand à l’apogée de son antiphilosophique opuscule, son auteur pérore à propos d’un pseudo étrange sentiment du tragique quand on se retrouverait face à l’animal qui a raté bien des possibilités[31]. En tout cas, la possibilité de se taire, Étienne Bimbenet en afficionado éhonté de Wolff et de Porcher, il en a bien, lui, complètement manqué l’occasion, et c’eut pourtant été un vrai bien plutôt que de réinventer les plus farfelus et fallacieux des arguments comme de confondre volontairement les éthiques animale et écologique, arguant que la première serait limitée en n’incluant que des êtres sensibles dans cercle de considération morale en s’interdisant d’aller plus loin et de reconnaître la valeur d’une espèce animale ou végétale, d’un écosystème, d’un lac, d’un rocher[32], alors que dans ce cas précis il est question du bienfait économique pour l’humain et non de libération d’individus maintenus en servage et torturés contre leur gré. Nous ne sommes pas sûrs du tout qu’Aldo Leopold s’il revenait parmi nous, soutiendrait ce genre d’idées malotrues comme semble le croire Étienne Bimbenet mais, que voulez-vous, il faut bien que ce dernier parvienne à donner l’apparence de la vraisemblance en usant d’artifices divers de sorte à masquer sa propre inconséquence entre son dire et son faire, lui qui, justement, ne fait rien pour les animaux sinon la grotesque tentative d’une autocontradiction performative[33].
*
On l’aura bien compris, l’auteur de Le complexe des trois singes. Essai sur l’animalité humaine, se sera donné beaucoup de mal pour défendre son bifteck, car au final il n’est question que de cela ou de son dernier pull en mohair, de ses chaussures en cuir sur mesure… va savoir. Hélas il faut lui rappeler qu’[…] énoncer une phrase déclarative, ce n’est pas toujours décrire une réalité déjà donnée, mais, dans certains cas, c’est instaurer une nouvelle réalité […][34], là où lui cherche évidemment à conserver celle qu’il connaît et chérit, si confortable. En termes de sémiotique, l’emploi du langage par Étienne Bimbenet en défaveur des droits des animaux et à l’encontre des animalistes qui les promeuvent, cela entrent certainement dans ce que Bertrand Russell appelait les « circonstanciels égocentriques »[35] et ce doublement puisque Bimbenet ne pense jamais pour les animaux mais systématiquement pour lui. Comme quoi Jean-Baptiste Jeangène Vilmer ne s’y était pas trompé d’un iota quand dans le Que sais-je ? n° 3902 intitulé L’éthique animale (2011) il expliquait à propos de la zoopolitique hexagonale : « Le retard français a des raisons philosophique (l’humanisme métaphysique), culturelle (gastronomie, corrida) et politique (le poids des lobbies). » (pp.105-106).
Étienne Bimbenet participe activement de ce retard et singeant ses pairs, peut-être parce que lui-même est perdu. Finir en lui disant qu’à perdre les animaux vivants et libres, nous avons tous tout à perdre.
M.
[1] Le complexe des trois singes. Essai sur l’animalité humaine, p.13 — Seuil, 2017
[2] Ibid., p.14.
[3] Op. cit. p.424.
[4] Ibid. p.22.
[5] Cf. p.31, p.35 & pp.106-107 in Contre l’exploitation animale. Un argument pour les droits fondamentaux de tous les êtres sensibles (collection V L’Âge d’homme).
[6] De la sorte, E. Bimbenet n’hésite pas à affirmer que les défenseurs de la cause animale n’ont rien d’autre pour eux des « bons sentiments ». C’est dire le dédain alloué aux animalistes : « Nous verrons qu’un respect promu en connaissance de cause vaut mieux que quelques bons sentiments. Seule la communauté des vivants humains, en tant qu’elle projette à chaque instant la fiction d’un monde commun, peut représenter un cadre d’accueil crédible et efficace pour les différentes espèces animales, qu’elles soient domestiques, sauvages ou « liminaires ». » (op. cit. p.35)
[7] Ibid., p.48, l’auteur stipule : « La thèse de l’animalité humaine ne surgit donc pas de rien. Elle est d’abord l’effet d’une réorganisation du savoir autour d’un noyau biologique puissamment explicatif représenté par la biologie évolutionniste, les neurosciences cognitives et l’éthologie animale. »
[8] Les Diplomates. Cohabiter sur une autre carte du vivant, p.61 — Wildproject éditions.
[9] Et l’on pose au passage la question à la suite d’Ilya Prigogine et Isabelle Stengers quant à notre « coévolution », non seulement entre nous humains mais avec tout le non-humain et nos interdépendances : « […] quels évènements, quelles innovations vont rester sans conséquence, quels autres sont susceptibles d’affecter le régime global, de déterminer irréversiblement le choix d’une évolution ; quelles sont les zones de choix, les zones de stabilité ? Et, dans la mesure où la taille, par exemple, où la densité du système, peuvent jouer le rôle de paramètre de bifurcation, comment une croissance purement quantitative peut-elle ouvrir la possibilité de choix qualitativement nouveau ? » (p.257 & p.259, Folio essais)
[10] p.71 in L’écologie des autres. L’anthropologie et la question de la nature, Philippe Descola— édition Quæ.
[11] Voir Demain les posthumains, p.11, Michel Besnier (Hachette Pluriel)
[12] Cité in Demain les posthumains.
[13] p.74 in Le complexe des trois singes.
[14] Lire L’intelligence animale. Cervelle d’oiseaux et mémoire d’éléphants (Odile Jacob, 2017). Notre article ici.
[15] Cf. Le complexe…. pp.90-91 à l’appui du texte des numéros 15 et 16 des Cahiers antispécistes de 1998 (et plus précisément : « Darwin, espèce et éthique » de James Rachels, 1987)
[16] Ibid., p.97 et p.101.
[17] Ibid., pp.103-104 & 105.
[18] Ibid., p.109.
[19] Ibid., p.111, 115 & 117.
[20] Ibid., p.125.
[21] E. Bimbenet s’offusque que ce ne sont pas les animaux qui peuvent venir tenir tribune pour défendre leurs droits eux-mêmes, d’où une continuité dans l’anthropocentrisme : « Ainsi la politique des animaux ne sera pas faite par les animaux mais par l’homme. Elle procédera de l’humain et à ce titre restera anthropocentrique, même si l’anthropocentrisme aura su s’élargir et prendre la direction d’un décentrement de l’humain en direction des animaux (sic). » (p.127)
[22] Henri Laborit lui-même sans Eloge de la fuite, s’était rendu à cette évidence et citait Carol Adams et son The sexual politics of meat : a feminist vegetarian critical theory. (1990) : « Les droits des animaux ne sont pas antihumains ; ils sont antipatriarcaux. » (p.102).
[23] Ibid., p.207. Ainsi le philosophe pense-t-il que même le zoocentrisme ne trahit en vérité que la seule réalisable « analyse de nous-mêmes » « en première personne » (p.208) et que c’est parce que nous sommes humains, donc éminemment différents que nous pouvons nous déclarer identiques — un animal comme les autres — grâce à l’emploi du langage : « Son langage, comme ses différents apprentissages, comme le tout de ses institutions, lui font une vie seconde, présomptivement la « même » vie que celle de tous les vivants. » (p.242), et que toute réalité du monde humain est une construction qui nous extrait du monde réel brut : « […] si vivre c’est déployer autour de soi un milieu de vie (Umwelt) défini par tout ce qui a pour moi une signification pratique ou émotionnelle, alors le réalisme de l’attitude naturelle n’est rien qui soit « naturel » à la vie. » (p.249)
[24] Ibid., p.285.
[25] Ibid., p.287.
[26] In Les Corps transfigurés. Mécanisation du vivant et imaginaire de la biologie, p.33 (Editions MF, 2011).
[27] p.292 et p.294 in Le complexe des trois singes. Toutefois puisqu’ils sont là l’auteur admet que par capillarité en quelque sorte certains animaux se voient attribués une certaine dignité de laquelle découlent certains droits imitant ceux des humains, ainsi du chien, du hamster, du chat de la maison, etc. : « Ces derniers sont d’une certaine façon de notre côté, ils participent du « nous », retirant de la fréquentation des humains un peu de la dignité que ceux-ci se reconnaissent à eux-mêmes. » (p.299)
[28] S’il existe une harmonie entre l’organisme et son monde vécu (Umwelt), harmonie où l’un influence l’autre et réciproquement, tel que cela est reconnu par la philosophie moderne et l’éthologie contemporaine, pourquoi ne pas accepter aussi une harmonie des organismes différents mais complémentaires ? — à l’instar de ce que décrit Florence Burgat dans L’Animal (sous la direction de Marlène Jouan et Jean-Yves Goffi) : « Le double héritage de Jacob von Uexküll et de Konrad Lorenz, tous deux imprégnés de kantisme, est sollicité par Merleau-Ponty pour caractérisé cet a priori, qui procède d’un plan (Bauplan) de la nature, selon Uexküll, et ce plan rend compte de cette sorte d’harmonie préétablie entre l’organisme et son monde propre (« tout organisme est une mélodie qui se chante elle-même », écrit-il) ; il relève d’une activité instinctive, selon Lorenz, au sens d’une activité primordiale sans objet (objecktlos) qui se confond presque avec l’usage de l’organisme. » (p.64)
[29] Contre l’exploitation animale. Un argument pour les droits fondamentaux de tous les êtres sensibles, p.137 (note en bas de page). L’Âge d’homme, 2017.
[30] Vive la « vie bonne », les « sensations et « l’expérience » partagées avec les animaux qui n’ont pas choisi de faire partie du sacro-saint élevage traditionnel de J. Porcher, tout comme l’élevage intensif ou tout autre forme d’exploitation avec, à la fin, la même fin imposée ; p.309 in Le complexe des trois singes.
[31] Ibid., p.309.
[32] Ibid., p.323.
[33] Termes qu’E. Bimbenet alloue aux animalistes dans son livre, p.339.
[34] p.100 in La transparence et l’énonciation – pour introduire à la pragmatique de François Recanati. (1979)
[35] Signification et vérité, p.29, Champ essais. Ainsi des mots « ceci », « je », « maintenant », etc.

1. Parler d’écologie sur internet est un non-sens absolu.
1.1 Je suis absolument pour l’écologie.
2. Enfin du moins « tapoter vaguement sur un clavier d’ordinateur », se perd la voix de l’oral, l’écriture au profit des caractères, d’humain il ne reste que le style.
2.1 L’intelligence n’est pas le propre de l’homme
2.2 Le propre de l’homme est d’être un sujet doué d’une pensée consciente.
2.3 Tu, vous (votre sous-groupe auto-identifié normativement par projection d’états mentaux, sur ce qu' »il » – d’une part « lui » Bimbenet et « moi », le sujet que l’irritation de ton entendement suppose et croit mais ne sais pas puisque ce que je suis n’est pas ce qu' »il » est (ni ce que tu es, et, ce que l’humanité est n’est pas ce que nous sommes). Une tautologie formelle. C’est actuellement 4% du CO2 mondiale Internet et une fourchette de 18 à 30% de l’électricité mondiale d’ici 2030, l’économie néo-classique qui postule une croissance infinie dans un monde aux ressources finies est un récit auquel nous « voulons » croire.
3. L’énergie n’est certes pas le référent absolu de la raison de la distribution (qui ne dépend pas de soi) des ressources, des biens et des services humains ou non-humains (la mise en relation de ceux-ci dépend de soi par contre) mais – tel que formulé par la physique moderne donc strictement par le théorème de Noether – elle semble la cause de cette distribution ; c’est un fait aussi scientifique que la filiation phylogénétique animale de l’humain que nous inventons des récits faux et militant pour justifier la mise en relation inconsciente et hiérarchique des ressources, biens et services dont la distribution ne dépend pas de soi.
3.1 Parler au nom et à la place de Dieu c’est l’autre nom de l’agriculture, de la propriété sédentaire faire au nom et à la place de la Liberté [DE l’AUTRE] c’est L’AUTRE nom de l’économie néo-classique, du pétrole.
4. Tu, vous racontez des récits sur des animaux ET les hommes, en croisant le rapport Meadows (fins des ressources, pollutions), les rapports du Giec (climat) et de L’IPBES (sols, biodiversité), l’amplitude de probabilité la plus forte c’est 3 à 4 Milliards de morts humains entre 2030 et 2100, nous ne voulons vouloir cela, bien que nous voulons cela.
4.1 Un animal, même une patate marque son territoire par des émissions chimiques, le langage pour l’homme a une fonction malgré tout similaire, notre intellect n’est qu’un prolongement des comportements animaux de reproductions, d’acquisition d’un territoire, d’un statut social hiérarchique important, c’est un fait scientifique, les êtres humains les plus justes dans la narration de récits faux et militants ont un succès reproductif supérieur à tous les autres exerçant une fonction différente même les plus utiles dans une société.
4.2 Le récit féministe général (à opposer au féminisme restreint), cumulé au récit transhumaniste, animaliste repose sur l’illusion que le corps est une surface mesurable et d’ailleurs mesuré sans plus aucun secret, une fonction externalisable, pénétrable par notre connaissance scientifique d’un point de vu externe à la 3ème personne, visible et reconfigurable comme le reste du monde par nos instruments et outils. C’est une illusion affective utile pour ne pas avoir à assumer la production de déchets qui est la conséquence causale de ses revenus, d’assumer l’unique action possible qui est de diminuer sa consommation (végan ou non-végan) et son PIB.
4.3 Ma seule illusion est que nos volitions (vouloir vouloir, préférer préférer, je n’ose, la vergogne), puisse être créatrices de combinaisons nouvelles, à l’hostilité et l’indifférence.
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Merci Valentin Tabone pour vos commentaires, c’est votre droit de réponse.
Nous sommes assez certain.e.s de ne pas tout comprendre de vos remarques et recoupements d’idées, tant parfois cela semble, quant au texte où vous intervenez, limite hors-sujet. Ailleurs nous disons aussi qu’écrire sur internet est polluant, très. Ailleurs nous expliquons d’autres choses, développons nos réflexions, parfois nous nous autorisons à nous contredire. Ce qui est sûr, c’est qu’il ‘y a pas d’argument valable pour excuser le tort fait aux animaux (sinon en Amazonie, ou chez les Inuits, mais ça n’est pas systémique ni maladif, juste la survie). Ailleurs vous trouverez des idées similaires aux vôtres dans nos articles, d’autres fois non. Nous parlons en tant que véganes mais au nom de personne d’autre que nous, ni d’aucun « sous »groupe ». Bien à vous.
K&M
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Merci de la réponse, j’irais voir. Plus généralement je pourrais reformuler que vous, tu sembles passer à côté de la profondeur de Bimbenet au nom d’une pureté militante
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