PAS DE PITIÉ POUR LES MENTALEMENT DÉCROISSANTS OU LA CHIENNERIE DE GARDE — DU PAUL ARIÈS : « LETTRE OUVERTE AUX MANGEURS DE VIANDE QUI SOUHAITENT LE RESTER SANS CULPABILISER »

PAS DE PITIÉ POUR LES MENTALEMENT DÉCROISSANTS — PAUL ARIÈS : « LETTRE OUVERTE AUX MANGEURS DE VIANDE QUI SOUHAITENT LE RESTER SANS CULPABILISER »
« La liberté c’est l’activité, et l’activité qui sait poser ses propres limites. »
d’après Cornelius Castoriadis, p.13 in Les limites du vivant (collectif) — Roberto Babanti et Lorraine Verner
« Si le simulacre est si bien simulé qu’il devient un ordonnateur efficace de la réalité — n’est-ce pas l’homme alors qui, en regard du simulacre, se fait abstraction ? »
p.69 in Le système des objets (la consommation des signes) — Jean Baudrillard
« Si la population d’une espèce décline fortement en raison de nos méfaits passés, il est possible d’argumenter qu’une forme d’assistance leur est due. »
d’après Tom Regan, p.46 in Souffrances animales et traditions humaines. Rompre le silence sous la direction de Lucile Desblache, « La viande heureuse et les cervelles miséricordieuses » — Enrique Utria
— Le feuilletage —
   Aaaah ! …Paul Ariès… mmmh… comme le temps passe… on se souvient… les élans télévisuels…. la niaque du type… chez Taddéï pas vrai ?… un paquet de fois… un chantre le mec… d’une autre vie… meilleure… au diable la consommation… vie à trépas… le trepalium de la caisse enregistreuse… des avenues des centres commerciaux…. c’est pas du desiderata que cette vie-là… plutôt une sorte de fantasme morbide… croître jusqu’à plus soif… fable… fabuleuse enflure de grenouillère pour finir éclatée en mille pièces de viandes sanguinolentes… où on sait plus qui était qui… plus que du quoi à en rester coi… des centaines de millions de tonnes à s’en fourrer plein la bobine… à s’en faire belles et beaux d’un cancer à l’anus comme disait l’autre… aaaah ! l’infinie comédie de la tyrannie d’une sale plaisanterie… David Foster Wallace à côté c’est de la collection Arlequin… mais y’a d’ces hérauts, des héros qui dénoncent… qu’ont un message… pas la grosse tête tu penses… faut désenfler… sans quoi c’est la fin des haricots tout ça parti en cacahuètes… retrouver l’équilibre, donc le milieu de la liberté, comprendre : — Moi Tarzan, toi Jane. Nous avoir un monde sain où procréer et nous bouffer le serpent et toute la ménagerie si on veut, mais doucement car faut se développer du-ra-ble-ment. Ô Gloire de l’Espèce parmi les espèces. De quoi qu’on cause aujourd’hui ? De décroissance. …Carnassière !

   Bon alors en mode prédateurs nous voilà de sortie de notre terrier dans l’hiver civilisationnel pour traquer l’angélique écolo, lui arracher ses ailes — de toute manière elles l’empêchent de voler cet Icare-là n’a que du cirage à revendre —, le tailler en pièces et lui bouffer les entrailles et la cervelle, après tout les amis ça sert à ça : vous dire la vérité sans jouer les hypocrites, et même si comme ça vite fait on a l’air d’un hippogriffe bicéphale c’est jamais que du flan végane les copains. L’Ariès on va en faire qu’une bouchée mais ça reste métaphorique, on n’a le goût sanguinaire que pour l’analogie, y’en a qu’on d’la veine vraiment.
   Pas facile de commencer la dégustation d’un gros loup comme celui-ci. Encore qu’Ariès pour les anglo-saxons ce soit la constellation du Bélier, vous nous direz mais c’est quoi cette bête-là en somme ? — bah on ne sait trop, mais comme disait la mère de M. lorsqu’il était tout petiot « on dit pas j’aime pas tant qu’on n’a pas goûté ! » D’accord : faut pas avoir peur des remontées acides. Faisant fi des commentaires de l’un dans les journaux et des autres — vous indigné-e-s — sur les réseaux sociaux, nous avons lu intégralement le gloubi-boulga de ce drôle d’écologue et prophète d’un décalogue contemporain où toutes et tous sont des illuminé-e-s à tendance IIIe Reich — eh oui ! que voulez-vous ? Quelques zigs pas sérieux dans les rangs et ça fout toute votre utopie en l’air ! Va pour les zigs heil, puisqu’hélas il faut les subir au sein de la cause animale comme ailleurs…, mais on trouve autant d’olibrius pour mettre tout le monde dans le même panier et prétendre délivrer une vérité sur un tas d’abscons imbroglios. Au risque de nous répéter nous allons donc nous répéter. Figurez-vous qu’en la personne de Paul Ariès — sinon un pataphysicien de premier ordre !  — nous avons trouvé le spécimen le plus abouti de la classe dans anti-véganes. Pour celleux qui n’auront pas la force d’observer la réaction de notre épiderme jusqu’au bout, portrait chinois :
   L’Ariès est un animal territorial. C’est un défenseur de l’historique cité des Papes, un amoureux de la rosace et de la rosette et il craint pour sa bonne ville de Lyon, ce bastion des antispécistes et autres animalistes de tous poils, les L214, 269 Life Libération Animale, où est née la revue des Cahiers Antispécistes et où sévissent sans vergogne aucune des universitaires tels Patrick Llored et Éric Baratay. Dans son idée, Ariès voulait faire de la ville de Lyon la ville de la gratuité et la voilà investie d’un nouveau biopouvoir et qu’elle devient la capitale de la libération des animaux en France. On rigole Polo. Ne t’inquiète pas trop. Ni l’une ni l’autre de ces perspectives n’adviendront de ton vivant. Entre la fête à la barbaque, le grand delirium tremens de la chair fraîche, la pression des lobbies et la foire d’empoigne de la concurrence mondialisée à tous les niveaux de la société humaine, ni l’écologie, ni le DIY et l’animalisme ne vont l’emporter. Franchement, en toute objectivité, ce monde part en sucette. De Lyon y’a plus que Guignol qui subsiste et regarde : ça bastonne à tour de bras gilets jaunes verts de rage et fafs in red scarfs au secours de la démocradingue. Y’a bien un moment où tous sont dans le même sac : c’est quand c’est l’heure d’aller grailler. Dans tout ce fatras, Paul Ariès, qui se demande si nous, humains, sommes faits pour le travail, n’a aucun doute quant à la nécessité du contrat de travail (cf. la Grande Porcher) « signé » par les animaux avec l’Homme (avec un grand H). Normal. En bout de chaîne de toute la misère humaine, il y a les animaux, toujours. Mais comptent-ils ? L’ami décroissant pense-t-il parfois seulement à eux ?
   Mais le meilleur, concernant notre éco-polo, c’est qu’il a eu beau critiquer l’anthroposophie de Rudolf Steiner, à juste titre cela dit en passant tellement le philosophe autrichien du début du XXe siècle aura fantasmé (pour le pas dire heroic fantasytionné) la culture bio, n’a aucune difficulté pour aller dégoiser sa science sur l’alimentation dans les salons bio où sont présents des acteurs de la biodynamie et même à s’allier à Nature & Progrès pour sa pétition de m***** pour l’abattoir à la ferme. Ah ! parce que vous ne savez pas ??? La biodynamie est l’invention d’un type sorti de nulle part et dans sa pratique ça n’est absolument pas vegan. Remarquez, c’est peut-être ça qui lui a plu à notre gus, il s’est dit : « Bon ; la biodynamie c’est sectaire, mais au moins c’est pas vegan… » On s’arrange comme on peut avec son intégrité, n’est-ce pas ?
   Ariès se paye le luxe de mettre en garde les véganes (il refuse en passant la francisation et l’accord du terme, il écrit toujours « végan »). Sans le savoir forcément — adeptes stupides que nous sommes —, nous adhérons à un projet souterrain de grande ampleur, et ce crypto-projet n’est ni plus ni moins que l’extermination à terme de tous les êtres vivants de la planète. On entend d’ici les poils de tout un tas de véganes se dresser. Nous sommes abusé-e-s, pauvres véganes que nous sommes : nous pensons agir en bien mais c’est le mal que l’on titille, suppôts de Satan qui s’ignorent, fichues bêtes à cornes… têtues et chargeant tel Ariès en croisade pour une drôle de décroissance… comme par exemple de consommer moins mais de laisser croître la population mondiale sans compter. Alors bien entendu, les travaux de nos pairs et autres contemporains qui réfléchissent à la question animale dans tous les sens du terme, et qui en viennent à développer des théories comme celle de Zoopolis ou les plus jusqu’au-boutistes du concept de RWAS (de l’anglais signifiant « réduire la souffrance des animaux sauvages ») qui par-dessus le marché ne s’entendent pas sur la finalité, autrement dit aussi la définition, de la libération animale, suscitent chez Paul Ariès de quoi se défouler sur notre mouvement. C’est ce qui s’appelle tendre le bâton pour se faire battre. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ces derniers temps, entre les désaccords apparus dans les Cahiers Antispécistes et la boucherie médiatique des plus scatophiles et théâtreux des antispés il y a effectivement de quoi prendre les végétos pour des boucs émissaires, jugés responsables comme chez le végano-sceptique, de tous les maux d’une société occidentale (et l’expression ne comprend pas que des pays occidentaux s’entend) malade effondrée sur son présent et en passe de saborder tout avenir possible, savoir : avoir un futur. Il faut redouter le spectre du véganisme induit par Peter Singer dès 1975 dans Animal Liberation, philosophe fou dangereux prônant infanticide et euthanasie, adulé par de vilains bobos (c’est vous là les véganes, vous vous reconnaissez hein !) qui ne sont que 2 à 8% de la population selon les pays[1]. Cette idéologie affreuse qui veut qu’un animal n’est pas une chose et qu’il doit disposer de sa vie — bref que le sang ne soit pas versé — n’est qu’une vue simpliste de l’esprit, pour ne pas dire d’esprits simplets selon Ariès, qui penseraient que tout bonnement ne plus consommer de viandes, de fromages, ne plus boire de laits supprimerait le martyre des animaux, stopperait la faim dans le monde, sauverait le climat, améliorerait notre santé, accroîtrait notre longévité, supprimerait la culture de la violence[2]. Dommage ami Polo, il y a au moins un gros nigaud de vegan qui a répondu à tes objections dès 1995, il s’agit de Brian A. Dominick (clique sur son nom tu verras). Non content de jouer son père la morale, le petit père du peuple décroissant ne cause pas qu’aux carnivores… euh ! aux omniv… grrr… aux humains en mal de liberté chérie (traduction : de bouffer ce qui leur plait, basta, même s’ils le font sans jamais s’être posé la moindre question sur comment tout ça leur est arrivé), il plaide aussi auprès des assassins de légumes racines et autres condiments : « Ce livre, prêche Ariès, s’adresse aux défenseurs des animaux et aux multiples courants de végétariens et de végétaliens, qui risquent de se faire piéger par une doctrine savamment construite pour les séduire mais qui les abuse. » (p.11) Bref, manger végétalien, vivre vegan, c’est être à la botte des financiers qui ont faits de l’élevage une industrie, car cette industrie cache un odieux complot que nous autres véganes, donc bobos métropolitains, fous furieux adeptes des post-animaux et des post-humains, qui vomi[ssons] l’écologie mais adul[ons] la techno-science, devrions combattre, à commencer par balaye[r] devant [n]otre porcherie ![3] — Jocelyne ! Où t’as encore fourré le ramasse bourrier steup ?
   Seulement Polo, dis-toi bien une chose : s’il fallait abandonner une belle idée comme le véganisme, au prétexte que quelques-uns réfléchissent un peu trop (mais aussi à raison même si une certaine pensée peut aboutir, c’est vrai, à une aporie, à un non-sens dans la réalité) et en viennent à des conclusions pour le coup dites « extrêmes », alors abandonne toi aussi ton idée de décroissance car chez ceux qui la défendent il existe aussi des divergences et on trouve les mêmes « extrêmes ». Aaaah !… Quand on préfère voir la paille dans l’œil de voisin, on en oublie la poutre qu’on se traîne. La tienne, ami Paul Ariès, est en forme de croix ; et c’est avec ça que tu ramasses de-ci de-là ton obole.
— Dégustation —
   Chères lectrices et chers lecteurs, vous avez passé un temps certain à l’élaboration de notre vienniaiserie du jour (qui sait si avec ça on ne remportera pas le prix du meilleur décroissant de l’année ?!), puis ayant compris que tout ceci est bon pour le four, vous êtes désormais chauds pour goûter à la chose bouchée par bouchée. Fins gourmets, vous n’en laisserez pas une miette. De sorte qu’après le débat, comme dit Casanova vous diriez « c’est bizarre… » — non, ça c’est Kat Onoma, mais la suite s’ra bizarroïde aussi, c’est promis. Et vous saurez, comme ayant enfin vu la lumière, pourquoi le slogan « Pourquoi les vegans ont tout faux ! » de l’ami Saul… pardon : Paul, est tout faux. Moins par moins égal plus, repositivons la chose !
   Passons sur les railleries habituelles à propos de l’Antiquité, de Pythagore et ses copains qu’étaient pas des gens bien, etc. On vous conseille vivement de lire le livre de Renan Larue Le végétarisme et ses ennemis, c’est juste un peu plus développé que chez Ariès. Toutefois c’est vraiment intéressant de savoir que François Jean-Antoine Glèzeis (1773-1843), concepteur de la théosophie est à la base d’une renaissance du végétarisme en France avec son ouvrage Thalysie dont les idées furent reprises par le docteur Bonnejoy qui prônait le végétarisme rationaliste (1833-1896)[4]. Hormis pour dire que ces types-là étaient des cul-bénis ou bien des demi-illuminés en leur temps, quel est le rapport avec notre sujet — enfin plutôt la hantise de Paul Ariès ? Bah on ne sait pas. …attendez… si, si si…, les gogols finissent toujours par se métamorphoser en fascistes et en SS. Sans dec’, rendez-vous un peu compte : il existe un groupe en Angleterre, proche de l’ALF, les Arkangel, et il semblerait que certains d’entre eux avaient des accointances avec le néo-nazisme. L’ALF ayant refusé de prendre position sur la présence de tels individus en son sein, paf ! tous les véganes du monde en 2019 sont des nazis, et… attention roulements rapides sur la caisse claire… Clément Méric, anarchiste antispéciste tué le 5 juin 2013, l’a été par des… nazis (Esteban Morillo, proche du groupuscule Troisième Voie et de « personnalités animalistes néofascistes »[5] mais Ariès ne dit pas lesquelles ; nous on n’en connaît pas ou alors elles cachent bien leur jeu)… attention série de fla… donc ! …quoi « quoi donc ? » ? Eh bien Paul Ariès laisse entendre que le véganisme est gangréné par le néo-nazisme. On est tou-te-s des fruits pourris. Oui, même toi la juive végane qui partage des posts pour sauver des animaux, et toi aussi l’amie des bêtes et de la littérature, et toi encore la beurrette végé féministe de service : tou-te-s des gros nazis !!!! Mais bien sûr, et sans doute parce qu’il a été le président de son jury de thèse, Ariès rend hommage à Luc Ferry (le mec qui dit qu’il faut tirer sur les gilets jaunes, on peut aussi leur rouler dessus ou les empoisonner en leur apportant des sandwichs au curare, ou bien les inviter à une conférence Sara Yalda un jeudi au Théâtre des Mathurins, ça va les tuer, bref…), en affirmant que le gouvernement de Hitler avait imposé des lois de protection des animaux (il ne dit pas que les mecs chassaient et bouffaient à s’en faire péter tout le tube digestif) et que cet antispécisme avant l’heure avait pour fonction de permettre le retour à une mentalité tribale préchrétienne témoignant de respect envers les animaux[6]. Pfff ! La crise de rire ! Cliquez ici pour en savoir plus, ou là grâce à Élisabeth Hadouin-Fugier.
   Bien, passé ces réjouissants hors-d’œuvres, c’est plutôt dans la pyrotechnie que donne le scientifi… tsss… Docteur Polo, écoutez ça : « Une alimentation trop végétale contient, également, trop d’amidons et de sucres, ce qui surcharge les intestins même préhistoriques, et favorise la prolifération des bactéries, en raison d’une fermentation importante, d’où des pathologies, que les végans d’aujourd’hui connaissent fort bien. » (p.33) Pas de source, pas d’étude. Eh ! les véganes pètent, quelle pathologie ça, merde alors !! Enfin on suppose que c’est ça, car la pathologie susmentionnée n’est pas nommée explicitement, mais nous véganes on la connait visiblement. À une Vegan Place : — Ça pète mec ? — Ça pète, ça pète. Et toi ? — Bah ça pète quoi, ouais, en ce moment ça pète pas mal, merci ! Cela dit ça aurait pu en inspirer certain-e-s pour de l’activisme de CM2, va savoir… Oh la crise ! le scoop ! ça gaze grave en décroissance !
   Trêve de plaisanterie ; non content d’insulter copieusement les hordes assoiffées de jus de betterave que sont les véganes, Paul Ariès souffre mentalement d’un trouble profond, sorte de dissonance cognitive aiguë ou de mal psychique étrange qui nous rend à ses yeux détestables et dans le même temps très familiers. Ainsi nous voilà tantôt en odeur de sainteté selon l’humeur du type, et lui de nous appeler « Ami végan », comme lorsqu’il semble nous tendre si gentiment la main pour nous éviter de penser de travers — sans omettre les expressions litigieuses… : « Ami végan, lorsque tu entends parler de combat contre l’abattage rituel, de décadence de l’humanité, mauvaises races… change de crèmerie ! » D’un autre côté c’est carrément grandiose ! Dans cette même page 25, le décroissantologue met en garde le bon vivant, celui qui rime avec prévoyant, de ne pas tomber dans les miasmes sordides des foutaises animalistes : « Ami mangeur de viandes, soit logique avec toi-même, refuse les idéologies qui conduisent, comme l’antispécisme conséquent, à diviser l’humanité, sois toujours du côté de l’égalité et non pas de la force obscure ! » Nous v’là dans Star Wars à présent ! Ariès est maître Yoda tenant dans sa gueule un message pour les jeunes et moins jeunes padawan (ça dérive du sanscrit « qui apprend sa leçon ») : c’est un véritable yogi de l’antivéganisme, un cumulard psychique ou génétique de toutes les tares du post-modernisme réactionnaire et écolo-archaïsant : en lui sommeillent les esprits de Luc Ferry, d’Étienne Bimbenet, de Jocelyne Porcher, de Jean-Pierre Digard, Temple Grandin, Dominique Lestel, Francis Wolff et Jean-François Braunstein. Cette personnalité multiple lui permet les plus audacieuses arguties, comme d’avancer que l’antispécisme faisait, il y a vingt ans, du refus de l’expérimentation son combat central. Comment comprendre sa fixation sur l’alimentation ? — ou encore que le parcage empêche autant la fuite des animaux qu’il assure leur protection ![7] Alors primo : les antispécistes ne font pas de fixette sur l’alimentation, ça se sont certains végéta*ien-ne-s qui font attention à leur santé, that’s all dude, et merci pour le paradoxe du parcage où le loup (l’homme) se déguise en Mère-Grand pour mieux dévorer sa pro-géniture… du chaperon au chapon il n’y a qu’un pas et que le sot l’y laisse.
   Le summum du « travail » de l’ami Polo c’est tout de même de nous avertir du grand danger qui menace le monde par l’entremise des véganes. Vous connaissez le chiffre de la Bête non ?! 666 = Cereal Killer. Ariès nous révèle le pire complot jamais ourdi par l’humanité contre elle-même : l’agriculture a été une façon très efficace de façonner du pain mais aussi du biopouvoir (jusque-là nous sommes d’accord), de créer du pouvoir et de la domination[8]. Comme beaucoup de progrès techniques, l’agriculture a bien entendu pu être accaparée par des castes à leur principal profit, rien de nouveau sous le soleil des êtres humains. Mais l’auteur de cette diatribe antivégane va plus loin. Le gluten, le soja et le jus de pois chiche nous ont rendu aveugles : « La cécité des végans (sous-entendu face au lobby céréalier) ne s’explique pas que par leurs carences alimentaires, mais par leurs œillères idéologiques… » (p.36) Pfff…, le niveau au ras des pâquerettes, ça fait pas sérieux, même si on adore les petites fleurs. Eh oui ! les véganes sont au courant qu’ils vivent dans un monde de lobbies entretenus en majeur partie par tes amis mangeurs de viande à qui tu essayes depuis des années, ami Paul, de refourguer ta louable décroissance pour un mieux vivre. Mais ils s’en tamponnent les gars. T’as beau les caresser dans le sens du poil en leur assurant qu’ils peuvent garder leur doudou-steak et mâchonner la conscience tranquille, ils s’en foutent, ils continueront à acheter leurs Fiel Pops, leurs Porn Flakes ou leurs All Brain Dead pour les mômes. Le p’tit déj, le repas le plus important de la journée, on va pas manquer ça. Enfin, ça doit t’arranger un peu que la société ne suive pas. C’est un peu ton fonds de commerce, et heureusement tu as plusieurs cartes dans ton jeu, car t’hésites pas à faire aussi dans le management pour l’hôtellerie et le tourisme de luxe. C’est un peu agaçant tout de même. Tous ces bla-bla, les industries, et blablabla, …c’est du réchauffé, la grande théorie des véganes vraiment très très forts et très très méchants. Sont trois pékins mais responsables de la destruction de la planète Terre, rien que ça ! Eh puis ils sont vraiment très dangereux. Pour preuve cette faction animaliste lourdement armée d’un petit caca devant la FNSEA[9], tentant vainement d’en étaler la fécale substance sur la plaque à l’entrée. « Ridicule » dîtes-vous ? Oui, et aussi inutile et très négatif pour l’image des animalistes dans leur ensemble. Mais les égos souffrent peu comparé aux animaux qui endurent l’exploitation, les maltraitances et l’abattoir. D’ailleurs cela soulève, à notre sens, de grandes questions éthiques et métaphysiques, du style : c’était le caca de qui ? D’elle ou de lui ? D’un animal libéré et balancé dans la nature sans se préoccuper de son sort ? Eh ouais, tu vois Polo, des trous de balle y’en a chez les antispés comme partout ailleurs mais c’est pas une majorité. Et, oh lala oui ! nous aussi toute cette violence nous désole mais elle est juste risible, pas comme celle que subissent des milliards d’animaux chaque année. Mais comme dit, dans un sens tu t’en balances pas mal en vérité, tu es comme ces écolos et ces anar’ qui ont une conception de l’humain proche de celle des zélotes religieux : vous pensez que l’humain c’est au-dessus de tout. Un tel aboutissement dans le règne du vivant, avec de si fines manières, une justice si parfaite, de la si belle marmaille que certain-e-s les abusent, les abandonnent, les montrent à tout va. Remarque bien que ça n’est que notre avis perso à nous, les Veganautes. Il existe beaucoup de sympathisant-e-s de la cause animale qui ne sont pas misanthropes. Nous concernant on l’était bien avant d’arrêter toute consommation animale. Comme dit Aymeric Caron — qui ne dit pas que des conneries, faut pas pousser — on en vient à détester les humains parce qu’on les aime justement, trop peut-être, mal sans doute, et qu’on se reconnaît souvent dans ce qu’on déteste en eux. Mais enfin, qui niera qu’il existe objectivement des gens haïssables ? On en trouve même qui gouvernent !
   Dans un autre registre, il y a les sycophantes ; les traître-sse-s quoi. Et bien entendu ami Polo, tu ne vas pas te gêner pour te servir dans leur charabia. Il faut redire en passant que chaque andouille qui sort un bouquin n’est pas un-e expert-e en quoi que ce soit, ni d’ailleurs que les prétendu-e-s expert-e-s qui siègent dans les médias, toujours les mêmes (médias et expert-e-s), c’est Sisyphe à l’envers : le supplice est pour celleux qui regardent et écoutent ce truc se répéter sans fin, abruti-e-s par l’hypnotique roue de la bêtise humaine. Bref, à présent qu’on a résumé Camus et Chomsky, passons à Lierre Keith, cette amerloque aux humeurs interlopes. Lierre Keith : que tu cites p.40. Elle, c’est vingt ans de véganisme et la pauvre était trop dépressive alors elle a remis en cause son alimentation (surtout pas autre chose) et s’est mis ensuite à critiquer ardemment le véganisme, du genre : la terre c’est des plantes et des corps (animaux bien sûr) morts, en putréfaction. Pour faire pousser des légumes la terre a faim de sang et d’os (bien sûr : d’animaux), un potager vegan est par définition à l’extrême impossible donc… (soupir…). C’est con ; avec un prénom de plante et un patronyme qui sonne comme un Rolling Stone, elle partait bien, mais elle a tout gâché… Une constatation en passant : quand des personnes en faveur de la cause animale écrivent leur bouquin on ne sent pas de méchanceté même quand il est évoqué les mangeurs de viande. Tout au plus Thomas Lepeltier qui est un penseur rigoureux (au sens mathématique du terme) saura se montrer un brin taquin mais toujours avec esprit. En face par contre, on se coltine mépris, bassesse et méchanceté pour ne pas dire haine. Témoin la manière dont toi, ami Saul, tu parles d’Henry Spira, ce militant américain qui lui a réussi à faire intégrer un peu de considération (le fameux « bien-être ») pour les animaux à des très grands groupes industriels (pas la panacée mais quand même) : « Spira (mort d’un cancer de l’œsophage) […] » (p.42) Mais quelle info essentielle ! Pourquoi pour les autres, on n’y a pas le droit ? Ariès, tu as dû jouir : un vegan qui meurt d’un cancer ! En plus un cancer des plus affreux car on ne peut plus manger, on devient squelettique. Oh mais quelle bonne nouvelle ! Les vegans sont donc des gros menteurs quand ils disent que la nourriture végétale préserve des cancers. Ça ne te dérange pas si on dit que tu passes pour un abruti ? On commence à voir clairement ce qui décroit chez toi, et c’est du côté de la boîte crânienne que ça se passe. Tout en fines insinuations dénuées de fondement n’est-ce pas ? Mais c’est qu’il nous rendrait anti-écologie le mec ! anti-décroissance ! anti-zéro-déchet ! anti-remise en cause de l’hégémonie humaine ! anti-prise en compte de quoi que ce soit !
   Dans — on allait dire l’essai, hi hi ! mais Larousse se fourvoie ça n’entre pas dans la collection essai ce machin, c’est tout au plus une tentative effrontée — dans le livre, donc, de Paul Ariès, on aborde aussi la question de l’alimentation du futur. Après tout, si on réfléchit bien, elle est aussi importante pour les consommateurs de viande que de végétaux. En effet, il faut bien manger pour vivre et non l’inverse comme disait l’autre (acte III, scène 5 dans L’Avare de Molière, c’est Valère qui parle. Dans l’Antiquité, Diogène Laërce en attribue l’idée première à Socrate) et, et c’est presque drôle, mais que vous refusiez de manger les animaux ou non, la question de la viande de synthèse se pose pour deux raisons : 1) vous voulez continuer à manger de la viande qui soit de la chair animale mais vous les avez déjà tous fait disparaître et il ne vous reste plus que des moyens technologiques pour fabriquer de la viande, et 2) vous aimiez la viande mais l’éthique avant tout, cependant si la viande de synthèse devient la norme eh bien pourquoi pas s’y remettre, passé les premières biopsies on ne touchera plus un poil ou une plume (encore que la plume, regardez cette conférence d’Elise Desaulniers) d’un animal quel-le qu’il ou elle soit. Mais contenter tout le monde en fichant la paix aux bêtes, à la limite ça aurait pu plaire à Colette mais pas à Ariès qui, pardonnez-nous l’expression, n’en démord pas. Il lâche pas sa bonne barbaque comme dit Eddy Murphy. Ainsi, sur la viande in vitro, Polo crie au monstre de Frankenstein : « Un laboratoire de l’université de Maastricht (Hollande) a réalisé un steak à partir de cellules-souches de vache, il s’agit, en vérité, d’un assemblage de 3000 petits morceaux de viande de cellules et de 200 morceaux de graisse animale. Parmi ces substituts de viandes existent depuis 1985 des produits à base de mycoprotéines fabriqués à partir d’un champignon cultivé en fermenteur. Qu’on ne me dise pas que les végans s’opposent à ces monstruosités ! La société PETA proposait, dès 2012, un million de dollars au premier scientifique développant une viande de poulet totalement synthétique. Les sites végans relaient  les appels au financement lancés par des start-up et regorgent de déclaration d’amour envers la viande cultivée ! » (p.47) La vaaaache ! l’est pas content Polo. Les monstruosités ont pourtant, elles, déjà eu lieu sur les vivants mêmes : sélection génétique, transformation, zootechnie, on a déjà joué à Frankenstein, créé les chimères (des vaches qui ne peuvent pas vêler seules, des poules qui ne tiennent pas sur leur pattes, des moutons qui font tant et tant de laine que ça les handicape…). Alors en réalité on perpétue juste les expérimentations impulsées par les bouffeurs de viande, mais cette fois si on peut épargner les animaux, bah nous ça nous offusque un peu moins, il est vrai.
   Comme dès le départ notre mentalement décroissant est à court d’arguments puisqu’il n’y en a pas de sérieux pour défendre l’élevage (certes intensif, mais extensif également), le voilà qui frôle la dénonciation d’une conspiration, sioniste en affirmant que cette pseudo-« première nation végane » reste l’un des pays au monde qui consomme le plus de viande, notamment de poulet […][10]. Et alors ? C’est quand même la première nation végane en pourcentage de sa population à ne plus soutenir l’exploitation animale. Mais t’inquiète mec, y’a aussi des pays musulmans qui s’y mettent et ils ne font pas semblant — et dans le même temps la France qui aime ses bêtes envoie régulièrement des milliers de vaches Holstein au Qatar par avion… Si ça c’est pas de l’abus de technologie tu appelles ça comment ? La décroissance tu dis ? Mentale ?! Ouais !… t’as raison Polo.
   Le rêve du décroissantologue ? Se balader en culotte courte, construire un petit moulin à eau au bord d’un ruisseau, ne pas passer à côté des choses simples… et la marmotte elle met le chocolat dans le papier d’alu ! C’est c’la oui… Ce qu’il y a de court, chez Ariès — hum… — c’est la vue. De sa propre affirmation pour produire 1 kilo de viande de bœuf il faut 7 à 10 kilos d’aliments ; pour 1 kilo de porc, il faut 4 à 5,5 kilos de céréales ; pour 1 kilo de viande de volaille, il faut 2,1 à 3 kilos de céréales ; les calories consommées par la vache au pâturage ne sont pas consommables directement par les humains[11]. Et on fait comment de l’élevage extensif super bienveillant avec les animaux dont on prendra la vie de force (mais qu’on est cons, ils la donnent en échange de nos bons soins, pardon ami Paul) quand on est 7, 5 puis bientôt 8 et 9 milliards d’êtres humains en 2050 ? Aaaah ! on mange moins de viande… et on fait des bébés… qui feront des bébés… qui feront des bébés… qui chaque fois devront manger moins de viande puis manger puis moins de viande puis… stop : c’est pas un peu ridicule tout ça par hasard ? Et puis Ariès il se dit athée mais faut faire des bébés hein ! Sacrilège de pas vouloir d’enfants !!! Et il écrit dans des revues catho [… ?]. Alors nous autres, les idiots utiles du capitalisme comme tu écrits page 58, ne sommes donc pas tes amis comme tu aimes à nous appeler depuis le début de cet inutile ouvrage. Tu fais le gentil pour tes lecteurs carnistes. Dommage, tu sais Polo, être végane c’est certes l’être en premier pour les animaux, mais si on devait faire un sondage « bouffeurs de viande/bouffeurs de légumes », on trouverait proportionnellement sans aucun doute plus de décroissants et de véritables amis de l’écologie chez les véganes que dans le reste de la population, quoi que tu en dises. Personne, ajoutes-tu, ne croit que le retour aux bonnes vieilles techniques des brulis, des jachères, à l’assolement biennal ou triennal comme avant le XVIIe siècle, à la rotation des cultures, au mélange d’espèces, aux engrais verts, aux toilettes sèches (excréments humains) soient suffisants pour nourrir 10 milliards d’humains[12]. [……….] Euh… comment dire ?…. c’est quoi ici l’antinomie avec la cessation de l’exploitation animale et la mise en place de droits négatifs pour les animaux. Paul, tu évites la véritable question pour ne te concentrer que sur ce qui t’obnubile : la pérennité de l’espèce humaine. Pour ça il y a des gens qui travaille à la permaculture végane depuis longtemps, renseigne-toi bien. Oh désolé-e-s, tu es renseigné, tu es juste partial. Donc concernant ton éloge du fumier animal (cf. p.61), on te conseille la lecture de l’ouvrage Le potager des paresseux de Didier Helmstetter (ingénieur agronome à la retraite et pas végane) si ça t’intéresse, et sinon comme dans nos pays riches on fait caca dans de l’eau potable (un autre de tes combats l’eau), il y aurait peut-être moyen de faire autrement pour le récupérer et en faire un engrais de qualité. Tiens, toi qui manges bon, local, gourmand, tu dois faire un bon caca riche en minéraux, un vrai trésor. À moins que ça te dégoûte de manger des carottes ayant poussés dans une terre enrichie du caca de ton voisin ? Faut savoir : t’es écolo ou pas ? Faut savoir : t’aimes les hommes ou pas ?
   On voudrait revenir un instant sur tes accusations portées sur les propos de Peter Singer concernant les handicapés ou bien la zoophilie. C’est tout le problème de l’utilitarisme qui pousse des raisonnements très loin (d’ailleurs souvent sous l’impulsion de ses contradicteurs). Trop loin parfois ? Peut-être bien au détriment de l’utile en effet. Mais c’est bien de critiquer des raisonnements (qui ne sont que ce qu’ils sont : des raisonnements et pas des actes) et de ne toujours pas critiquer les violences faites aux animaux, comme la prostitution des orangs-outans en Asie. On a comme dans l’idée que la clientèle est bien spéciste comme il faut. Et puis mettre en lumière un détail de la pensée de Singer (qui ne dit d’ailleurs pas ce qu’il préfère ou ce qu’il pense mais ce qui doit être dans un système de pensée utilitariste) surtout en ce qui concerne la zoophilie, …franchement, il y a bien qu’un lectorat inculte bouffeur de knacki pour s’en offusquer. Songeons à Max mon amour d’Oshima, ou bien à Grisélidis Réal qui dit soulager son pauvre chien en érection comme elle soulage les hommes, sont déjà passé par là, et s’en offusquer c’est bien faire fi de toute la mythologie humaine. À la base la zoophilie ça n’a rien de sexuel, ça ne veut pas dire cela. Et la perversion dépend de critères et de situations qui ne peuvent être appréciés qu’au cas par cas. On ne dit pas qu’il faut coucher avec les animaux ou tuer les handicapés à la naissance. On dit qu’il y a des nuances et que chaque cas est singulier. Ce sont un peu, finalement, les exceptions qui confirment la règle commune, ce qu’on nomme aussi d’ordinaire un tabou et qui descend en droite d’une logique millénaire de l’expérience acquise commune. Mais il peut exister des exceptions non anormales, et il faut accepter dans le même temps la variété des totems. Cela dit, Ariès s’en prend à Peter Singer pour ne pas s’en prendre à Isaac Bashevis Singer, c’est toujours pareil, quand on veut faire tuer son chien on dit qu’il a la gale et on reste dans le politiquement correct, on veut pas d’ennuis avec telle ou telle communauté, ça ferait tache. Vous n’aimez pas les véganes et les antispécistes, trouvez-en un ou une avec deux ou trois casseroles et dites que tous les autres lui ressemblent. À la fin, réduisez le tout à « […] il faudrait consommer davantage de végétaux ! » (p.64) en guise de catastrophe écologique annoncée, saupoudrez d’une lourde pincée de « La chercheuse Nathalie Burkert ajoute que les végétariens ont le sentiment d’une vie sociale plus réduite […] » (p.75), avec un soupçon d’ « études » montrant soi-disant que les « apports énergétiques » de ces gens sont « inférieurs aux normes » et qu’ils accumulent « déficits et déséquilibres »[13] (p.75), en n’omettant point de remuer de temps en temps de vieilles informations contradictoires à l’insu des défenseurs des animaux[14], puis en évitant les épices trop fortes pour vous[15], et en déconseillant d’y mettre quelque ingrédient de son choix, même s’il s’agit d’éthique animale, parce qu’il vaut mieux s’en remettre à la même vieille rata qu’on vous sert dans les émissions à la télé avec les supers experts en lien avec des firmes comme Catherine Bennetau[16], chercheur endocrinologue, qui dans un reportage sur le soja dénonce le danger des phyto-œstrogènes (cf. p.84) parce qu’on veut faire passer les végétaliens pour des fous. Nous on connaît des gens qui grâce à cette émission ont passé une bonne soirée et ont bien mangé.
   Si vous avez encore faim, on continue avec ce décroissant bien gras qu’on nous a servi cette année en même temps que la galette. Il faut savoir qu’historiquement Paul Ariès est fâché avec les fondateurs de l’antispécisme français. Ça remonte aux années 90, en un temps ou les réseaux sociaux ne permettaient pas de s’y vautrer lamentablement en étalant son caca au nom d’idéaux qu’on salit en même temps que la plaque portant le nom de l’ennemi visé, un temps où les véganes rasaient les murs mais communiquaient en écrivant des trucs vraiment sérieux sans tout le décorum grand-guignolesque d’aujourd’hui où certain-e-s se cherchent des glorioles à défaut d’aider les animaux. Parce que le but c’est d’aider les animaux n’est-ce pas, en faisant prendre conscience aux autres qu’il faut arrêter de les exploiter. Hélas, même les plus réfléchis se prennent les pieds dans le tapis, et c’est là qu’arrivent les Ariès et consort pour vous passer au broyeur de poussins. Un excès de franchise vous joue des tours, et savoir dire sans pouvoir être contredit ni sorti de son contexte est une chose très difficile, voire impossible, mais enfin : à une époque où le refrain en vogue c’est « on va tous y passer la planète est flinguée » est-il finaud d’être trop frontal avec les idées communes même si elles sont inexactes ? Allez savoir. Tout franc du collier vit au dépend de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un carnage sans doute. Pour le coup, plutôt que d’inviter chacun-e à se faire une idée en lisant les travaux des intellectuel-le-s antispécistes, Ariès préfère leur coller une étiquette à l’inverse de la réalité en affirmant que l’antispécisme n’aime pas la nature et refuse de penser en termes d’espèces et d’écosystèmes […] et qu’il n’est pas normal de prendre la parole pour les animaux puisque si on calque le spécisme sur le racisme, le sexisme, etc., […] l’émancipation est l’œuvre des victimes elles-mêmes ![17] — et comme les animaux ne disent rien et n’ont pas les moyens de faire entendre leur souffrance et leur aspiration à vivre autre chose que leur exploitation, il n’est pas nécessaire de le faire à leur place. On dirait bien à l’ami Paul pénétré par Jean-Pierre Digard, que cette « pensée » est abjecte et surtout d’une grande lâcheté. Il ferait mieux de lire Tant qu’il y aura des cages de Steven M. Wise ou encore les travaux de David Chauvet, de Valéry Giroux ou Cédric Stolz, entre autres (cliquez sur les noms il y a des liens). Au lieu de cela — est-ce un effet de la volonté de décroissance ? — Ariès emprunte de puissants raccourcis. Pour lui les antispécistes usent d’un « relativisme éthique » et il les « accuse […] de saper les conditions d’une morale accomplie, en déniant à certains humains la qualité de personne, en prônant l’eugénisme, en banalisant la sexualité avec les animaux et l’inceste. » (p.108). Comme on vient de tenter d’expliciter ces points plus haut on va ne pas s’entendre à nouveau dessus, tellement ces biais de pensée sont une fainéantise intellectuelle et d’une mauvaise foi qui n’ont d’égal que le succès qu’elles rencontreront auprès d’un public acquis à la bectance égoïste de la barbaque. Pour autant merci ami décroissant, oui merci, un grand merci. Tu nous permets ici de déclarer solennellement que les luttes de clochers intestines à la cause animale, qu’elles soient celles des penseuses et penseurs, celles des activistes ou celles des actrices et acteurs de la protection animale nous font ch*** ! Il y a parfois des moments où il vaut mieux fermer sa grande bouche — comme toi qui fait honte à une véritable écologie, puisqu’il serait bon de considérer ceci : que se soucier de l’environnement c’est se soucier de ce qui le façonne et pas seulement les marées et les vents mais surtout le vivant, et que l’antispécisme précède l’écologisme aurait pu dire Sartre s’il avait été de notre temps et au bout du raisonnement ; décroître cela signifie arrêter de s’étaler à tout va comme on étale sa m**** partout et jusque sur les plaques de la FNSEA, tandis qu’il t’est si facile de gloser sur les petits mots précipités des un-e-s et des autres comme lorsque Dominic Hofbauer a dit que « Oui Christiane Taubira est un singe et moi-aussi. », car en effet pour les animalistes se faire traiter de singe, de perroquet, de crevette ou d’âne bâté n’est pas une insulte, il aurait été plus sérieux toutefois de ne pas se mêler de cette affaire qui ne regardait que l’intéressée qui n’a pas besoin de nous pour se défendre, elle, eu égard à son intelligence, sa culture et son éloquence, et les droits dont elle dispose pour le faire — choses que les animaux n’ont pas, c’est vrai, hélas pour eux. Enfin, grâce à ces chemins de traverses notre nouvel ami fustige l’antispécisme qu’il a dans le collimateur depuis belle lurette. Les dires des uns et les frasques des autres lui permettent d’en remettre une couche en taxant l’antispécisme (qui se veut un égalitarisme entre les espèces pour mémoire) de pensée glissante qui ouvre les boulevards aux idéologies nauséabondes[18]. Les idéologies nauséabondes existaient bien avant l’avènement d’un mouvement animaliste de l’ampleur actuelle, savoir : mondiale mais encore assez restreinte. Et, au risque de surprendre la Terre entière, braves gens soyez attentifs et toi aussi cher ami, des cons y’en a partout. Voilà c’est dit, personne ne le savait, c’est un scoop, désolé-e-s mais fallait que ça sorte et oui vous pouvez faire un arrêt maladie si ça ne passe pas, on comprend parfaitement que ça secoue.
   La lecture de ce machin nous aura tout d’abord amusé-e-s, puis interloqué-e-s avant que de nous ennuyer très franchement alors ne tardons plus trop. Loin des choquantes révélations de l’antispécisme à propos de la « Nature » qui n’est qu’une vue de l’esprit et un point d’orgue des fondements du spécisme, les auteurs de Zoopolis se font tailler en pièces (enfin il essaie Polo, c’est un essai parait-il), car ces fous dangereux veulent rabaisser les droits humains, sous prétextes d’élever ceux des animaux[19]. Si si, vous avez bien lu. Qu’est-ce qu’on dit qui soit de circonstance… ? Huuummm…. : « LOL !» Menteur aussi, on peut dire.
   Tout le bouquin est de cet acabit. À quoi sert-il de se taper autant de littérature si c’est pour ne rien y comprendre ou faire mine de ? Peut-être pour ajouter sa pierre à l’édifice de la disparition animale ? Cela dit c’est une forme de décroissance aussi : hominisation… à mort… des animaux. Pour Ariès no problemo, les végans ont donc une sensibilité à géométrie variable[20] parce qu’ils ne préoccupent différemment des animaux et des végétaux et qu’à cause d’eux règne l’agriculture intensive et que 90% de la vie organique des sols a disparue comme le stipulent Claude et Lydia Bourguignon. On doute que le couple accuserait les véganes, et en vérité les animalistes pensent qu’il est plus urgent (et assez simple en fait) d’arrêter le massacre des animaux, ce qui ne signifie pas qu’ils se fichent de l’environnement. En général on a de gros doutes sur le nucléaire aussi, on n’aime pas le gaspillage alimentaire, l’injustice en termes de partage des ressources et des richesses, même le marché de « la bio » on sait qu’il faut s’en méfier. Non, ce qui gêne Paul Ariès c’est le pragmatisme des antispécistes comme David Olivier, Yves Bonnardel ou Estiva Reus, lesquels, on le disait tout à l’heure, tendent parfois le bâton à guignol pour qu’il les tabasse. Quant à la littérature « anglo-saxonne », notamment celle du courant de pensée RWAS, eh bien ce qui devait arriver arriva : le jusqu’au-boutisme logique — qui forcément ne peut échouer que sur l’écueil de l’absolu non-sens — n’a pas échappé à la férule du décroissantologue qui s’en donne à cœur joie. Cela dit, bien vu l’ami, après tout les RWAS[21] et les antispécistes n’avaient pas à faire les malins avec leur vision par trop avant-gardiste du monde. De la sorte semble surgir une évidence propre à décrédibiliser la pensée antispéciste lorsque les plus poussifs d’entre elleux laissent entendre qu’en définitive ce ne sont pas les animaux qu’ils aiment mais la souffrance qu’ils refusent[22]. Reconnaissons-le, ici Ariès marque un point amitié (re-lol) parce qu’à dire que pour protéger les êtres vivants il faudrait empêcher qu’ils existent — tautologie qui jusqu’alors n’intéressera que des êtres (essentiellement humains) capables de le conceptualiser — est un raisonnement purement existentialiste et nihiliste que ne formulent pas les animaux en général. On se permet de l’affirmer car sinon il y a des millions d’années que les espèces vivantes, en tout cas les plus « évoluées » auraient cessé de se reproduire. En gros, ça les regarde. Imaginer des moyens de leur éviter de souffrir d’accord, s’autoriser à décider de leur existence au monde à leur place c’est autre chose et voilà pourquoi nous, humbles Veganautes, nous ne faisons pas partie des RWAS. On vous passe les allégations comme quoi les véganes sont des maboules du contrôle du tout technologique[23] évoqué par Ariès, c’est la même tambouille que chez Digard, Wolff et Bimbenet qui pendant ce temps-là continuent de mordre à belles dents dans des morceaux d’animaux morts. En attendant, dans les dents, prends ça méchant végane, toi et tous les crypto-terroristes qui se positionnent contre la violence comme Singer, Regan et Francione[24]. Prends-toi la petite phrase irréfléchie sur le Super U de Trèbes, prends-toi le pétage de plombs d’une YouTubeuse américaine assassine — elle était végane —, prends ça car le végétarisme n’a jamais adouci les mœurs, ça n’est qu’une pensée qui sape les fondements de l’humanisme de gens qui se prennent pour des dieux tout-puissants, prends ça ! ce serait quand même mieux si avec la Grande Porcher on faisait un retour à un élevage paysan non industriel[25].
— Miettes —
   Ce qui est formidable avec les carnistes comme Ariès, qui font leur beurre sur des idées dont pas grand monde n’en a quelque chose à faire, c’est que quand ils démoulent leur cake — pardon : font littérature, ils ne peuvent s’empêcher de spoiler la tournure que va prendre les choses, en gros ils ont du mal à retenir leurs gaz et ça pue d’entrée de jeu. Là, dès les pages 16 et 17 on a eu droit à l’assimilation du véganisme aux sectes, aux religions. Oh ! et ça le Polo, il aime pas les sectes, c’est une de ses luttes parmi tant d’autres. Il est sur tous les fronts ce gars-là. Chien de garde ? C’est son métier. Lisez Paul Nizan, il avait tout dit de ces impromptus poltergeist médiatiques. Page 18, l’évocation du végétarisme mystique du Dr Bonnejoy c’était pas mal, celle d’un végétarisme axé sur la santé qui préconisait la chasteté, interdisait les drogues diverses et variées. Oh lala, ça non plus il aime pas Polo, ce fin gastronome qui aime la bonne chère ; il l’aime tellement qu’il voudrait que le socialisme même soit gourmand ! Miam ! À noter que nombre d’allégations du livre manquent furieusement de sources, c’est très, très, mais alors très fâcheux. Peut-être qu’Ariès se pense faisant suffisamment autorité pour se sentir légitime sur tous les sujets. Ça doit être ça.
   Que Paul Ariès parle peu du sort des animaux, on pourrait penser que c’est qu’il pense que le public est informé mais c’est surtout que tout simplement cela lui importe peu. Le système d’élevage intensif n’est pas écologique, produit de la mauvaise qualité et rémunère mal les hommes, pour lui ce sont les seuls arguments qui vaillent contre ce système. Que les animaux en soient les victimes, mais non puisque Jocelyne a dit c’est cool ils ont voté pour il y  a 12 0000 ans. Même un Francis Wolff s’épanche davantage sur le sort des animaux. Pas Ariès : l’homme avant tout, l’homme rien que l’homme. Rien qu’Ariès qui pour sa propre survie a besoin que les autres hommes calment leurs ardeurs et, tous ensemble, ils pourront savourer jusqu’à la mort celles des autres vivants que la création leur a offert,  à eux les êtres supérieurs.
   Finir avec cette note tirée de Hannah Arendt à propos des travaux des zoologistes, mais la réflexion est valable pour tou-te-s celleux qui usent et abusent des animaux et qui trouvent cela « naturel » : Avons-nous besoin de découvrir chez les fourmis, les poissons ou les singes, des instincts d’attachements « au territoire du groupe », pour savoir que des peuples sont disposés à se battre pour leur terre natale ? Et avions-nous besoin d’expériences pratiquées sur des rats pour apprendre que le surpeuplement donne lieu à des phénomènes d’irritation et d’agressivité ? Une journée passée dans les taudis de n’importe quelle grande ville aurait dû suffire. Il m’arrive d’être surprise, et souvent charmée, de m’apercevoir que certains animaux se comportent comme des hommes ; mais je ne conçois pas comment ce fait serait susceptible soit de justifier, soit de condamner le comportement humain[26]. Combien de temps Paul Ariès traînera-t-il ses vieilles lunes ?
K&M
   [1] In Lettre ouverte aux mangeurs de viande qui souhaitent le rester sans culpabiliser. Pourquoi les vegans ont tout faux, p9. (Essai Larousse — 2018).
   [2] Ibid., p.10.
   [3] Ibid., p.11 & 12.
   [4] Ibid., cf. p.18.
   [5] Ibid., pp.20-21.
   [6] Ibid., p.23.
   [7] Ibid., p.29 & p.31.
   [8] Ibid., p.34.
   [9] Il faut voir ça, ça vaut le jus, vraiment : Vidéo
   [10] Ibid., p.49.
   [11] Ibid., p.56.
   [12] Ibid., p.60.
   [13] Le docteur Jérôme Bernard-Pellet démonte tout ceci très clairement dans cette vidéo faite avec le blogueur Jihem Doe.
   [14] Cf. p.77 où dans La Libération Animale P. Singer n’en savait pas autant sur la B12 qu’on en sait aujourd’hui — en 1975.
   [15] À propos de la B12 toujours, p.78 P. Ariès cite D. Olivier des Cahiers Antispécistes, qui a affirmé qu’il n’y avait que des « « animaux-emballages » ne servant qu’à son transfert » en le critiquant et disant à son tour qu’Olivier oublie que cette pratique est spécifique aux formes d’élevage industrielles. Quand même ; en France ce type d’élevage dit « intensif » (faut-il en souligner le caractère du nom ?) représente à la louche entre 80 à 90% toutes espèces confondues, donc massivement le plus courant, donc D. Olivier a raison.
   [16] Ibid., p.84. Sources : https://www.facebook.com/LesVeganes/videos/d%C3%A9bunkage-soja-la-grande-invasion/713323018872301/
   [17] Ibid., p.90 & 97.
   [18] Ibid., p.108.
   [19] Ibid., p.111. Voir p.110, que P. Ariès n’est pas content du tout. Il ne veut pas que les animaux domestiques soient des citoyens à part entière, que les animaux liminaux aient certains droits et les animaux sauvages soient privés de droits ou qu’on envisage qu’en quelque sorte des animaux puissent prendre part au processus législatif. Il doit se sentir tellement au-dessus des animaux notre bel ami que ça lui fait tout drôle. Nous on se dit qu’au contraire : qui peut le plus peut le moins aussi pourquoi ne pas déléguer des droits à ceux qui n’en ont pas, voir pas la capacité de les inventer ?! C’est juste une garantie de considération.
   [20] Ibid., p.113. Un peu plus loin on trouve d’autres absurdités réjouissantes : « Les antispécistes restent spécistes à l’égard des espèces végétales qu’ils mangent et dont ils nient, par ailleurs, la souffrance et l’intelligence. » Attention, P. Ariès est allé se renseigner auprès de Fleur Daugey, une des meilleures spécialistes françaises des plantes. Mais Polo on t’a déjà dit : on ne nie pas l’intelligence des plantes, on nie qu’il y ait souffrance de la même manière, puisque les végétaux n’ont pas de système nerveux. Qu’en tant qu’êtres vivants ils communiquent, élaborent des stratégies de développements, d’adaptation, etc., d’accord. Mais il n’y a pas de cri de la carotte, même quand tu te la mets là où on pense.
   [21] Pas faux que ça peut passer pour de la dinguerie pour un public profane quand un Thomas Sittler-Adamczewski déclare que les véganes devraient consommer plus de viande car ce système saccage la nature sauvage et élimine donc des masses de souffrance énormes dans la « nature » et que ces vies-là ne valent pas le coup d’être vécues (cf. ce que rapporté p.116).
   [22] Ibid., p.123.
   [23] P. Ariès s’appuie sur des pseudo-représentants du mouvement végane (et/ ou animaliste) en généralisant le propos de Max More philosophe et futurologue = « Nous allons prendre en main notre programmation génétique et parvenir à une maîtrise de nos processus biologiques et neurobiologiques. […] » (p.140) C’est ainsi dans tout le livre où l’auteur évoque ceux qui sont pour la correction des défauts des individus et des espèces sans pour autant être soutenus par la « population animaliste » dans son ensemble, loin de là.
   [24] Ibid., p.151.
   [25] Ibid., p.153, p3.154, p.155 et p.164.
   [26] In Du mensonge à la violence, p.158 (Pocket).

2 réflexions sur “PAS DE PITIÉ POUR LES MENTALEMENT DÉCROISSANTS OU LA CHIENNERIE DE GARDE — DU PAUL ARIÈS : « LETTRE OUVERTE AUX MANGEURS DE VIANDE QUI SOUHAITENT LE RESTER SANS CULPABILISER »

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