BIEN ANIMAL ACQUIS NE PROFITE JAMAIS — POUR UNE ROBINSONNADE TOU.TE.S ENSEMBLE
« Robinson s’enfuit, le cœur soulevé. Mais le dévouement et la logique impavides de son compagnon l’avaient impressionné. Pour la première fois, il se demanda si ses exigences de délicatesse, ses dégoûts, ses nausées, toute cette nervosité d’homme blanc étaient un ultime et précieux gage de civilisation ou au contraire un ballast mort qu’il faudrait qu’il se résolve à rejeter un jour pour entrer dans une vie nouvelle. »
in Vendredi ou les limbes du pacifique (Michel Tournier, 1969 [roman préféré de Jean-Luc Mélenchon])« Je tiens que moins une créature peut se défendre et plus elle a le droit à la protection de l’homme contre la cruauté de l’homme » (Gandhi, lettre à Rameschchandra du 13 décembre 1927)
in Du végétarisme« […] Louise Michel rend possible et pensable, dès les années 1880, une pensée de l’émancipation intégrale, autrement dit articulée : les travailleurs et travailleuses, les femmes, les colonisé.es, et les animaux ne sauraient être exploités, dominés et massacrés plus encore. »
in Cause animale, luttes sociales (Roméo Bondon et Elias Boisjean)Si nous nous sommes éloigné.e.s des réseaux sociaux depuis quelques temps, chose sur laquelle nous nous sommes déjà expliqué.e.s, il nous arrive encore d’y regarder de temps à autre afin de se tenir informé.e.s. Quelle n’est pas notre immense déception quand, alors que souffle le vent enthousiasmant d’un contre-pouvoir possible d’une gauche réelle à la farce politique néolibérale actuelle, on voit ci et là les déclarations des un.e.s et des autres, qui du Parti Animaliste, qui antispéciste, s’en donnant à cœur joie pour saper l’élan progressiste et universalisant — pour tout dire : cosmopolitique, donc zoopolitique — dont l’humanité a besoin pour sortir de son marasme actuel, et avec elle emmener les animaux vers un monde encore vivant et surtout : vivable.
Il y a franchement de quoi en tomber des Nupes ! Suite à l’écoute du podcast Véganisme, écoféminisme… des trucs de Blanc·hes ? (écouter) de la chaîne Kiffe ta race, nous sommes retombés, en faisant des recherches sur le propos végane et écoféministe de Myriam Bahaffou critiquant une certaine étroitesse de l’antispécisme, sur de récents articles de David Chauvet qui, à notre grande surprise, écrit aussi en ligne pour Causeur (Elisabeth Lévy) et Front Populaire, le média du « philosophe » le plus populo-démago de France Michel Onfray. Chauvet y fustige la gauche radicale sur fond de question animale puisque, selon lui, si l’on pense que l’abattage rituel n’est pas la véritable question, alors c’est qu’on est islamo-gauchiste et, pis, qu’on est un.e militant.e illégitime de la cause animale. Extrait :
(source)
Passons… Il déplore les revendications communautaires et la non prise en compte de cette question vitale […] qu’est l’immigration. Il est vrai que cette question, les animaux se la posent tous les jours, n’est-ce pas ? Devrions-nous nous interroger aussi sur l’immigration des animaux « étrangers » rapatriés par des associations pour les sauver ? Après tout, ce sont des animaux qui viennent manger dans la gamelle de leurs congénères, bien français, eux…
(source)
Pour résumer, venir au secours des animaux c’est bien, mais se montrer accueillant avec des humain.e.s, c’est mal. Question sécurité, outre le terrorisme islamiste, pourquoi ne pas parler des actes terroristes d’ultra-droite déjoués ces dernières années en France ? Pour paraphraser Alphonse de Lamartine : « On n’a pas un cœur terroriste pour les mécréants, et un pour les immigrés. On en a ou on n’en a pas (de cœur). » De fil en aiguille, on en est venu.e.s à visiter les derniers posts de nos antispécistes préférés. Là encore, on est tout en nuance quand on lit David Olivier qui s’insurge que l’animalisme puisse être accolé à l’écologisme, en retwittant le propos d’untel du Parti Animaliste qui, bien entendu, au lieu de s’en prendre au système néolibéral du gouvernement ou bien aux partis d’extrême droite, tacle ses plus proches alliés idéologiques — d’ailleurs avec qui lors des dernières municipales le parti des animaux n’avait pas hésité à faire alliance en s’asseyant sur sa chère « neutralité » transpartisane — histoire de bien montrer combien on existe au Parti Animaliste.
La NUPES, « un peu moins anti-animaliste que les autres » ? À en croire ce qu’en dit Muriel Fusi, coprésidente et porte-parole du PA se présentant aux législatives 2022 :
…ce que confirme cette personne militant pour les animaux :
Peut-être qu’on ne sait pas lire, mais on dirait bien que ces personnes , par esprit partisan et électoraliste — un électoralisme dont franchement les animaux n’ont que faire, comme du fait qu’on leur accorde des droits en vérité, car, vivants, ils ont juste envie de le rester au lieu qu’on les traite comme on le fait — semblent être frappées de fort astigmatisme ou de cécité, car en cherchant un peu du côté des Insoumis et de leurs allié.e.s, on trouve pourtant quelques éléments d’engagement qu’on peut bien appeler de mesures :
Ceci n’est qu’un très faible échantillon du programme. LFI a une cellule dédiée à la cause animale. Tiens donc ! mais alors pourquoi Aymeric Caron et son REV se sont ils rapprochés elleux aussi de la LFI, quand pourtant, on s’en souvient, Caron était très loin d’être tendre avec Mélenchon en 2017. C’est que, tout bonnement comme nous le disions dans notre véganothèque d’après son livre Utopia XXI : « […] il fustige vertement le système économique et la politique mondialisée qui ne créent plus que de la pauvreté et de la désolation, alors que nous pourrions tou-te-s vivre des bienfaits de la technologie dans une société d’abondance raisonnable. » N’en déplaise à Théa Sol, les mesures sociales sont une nécessité absolue pour espérer rendre un jour de l’humanité à ce monde désincarné, ce qu’ont compris avec Aymeric Caron, entre autres, Edouard Louis, Geoffroy de Lagasnerie, Annie Ernaux, Barbara Stiegler, Cédric Villani, Anny Duperey (qui soutenait au préalable le PA), Pierre Lemaître, etc. La misère animale est consubstantielle à la misère de la condition humaine. Si faire disparaître la première nous semble être parfaitement justifié, nous aurions honte que notre humanité ne soit orientée qu’envers les animaux et que, pourvu que nous nous en sortions, on fasse fi des malheurs de tant d’êtres humains. Ce serait ridicule, et inique.
Fort heureusement, nous constatons dans le même temps que des véganes abolitionnistes, dont nous sommes, ne s’en laissent pas compter, et ont bien compris que la lutte pour la libération animale est inséparable de celle pour l’émancipation sociale :
Ceci étant dit, la réussite du Parti Animaliste (comme la théorie politique antispéciste), est toute relative, et surtout proportionnelle à l’image imbécilisant qu’en donnent leurs détracteurs. Témoins le score déplorable de Thomas Lepeltier dans la 3e circonscription des Français de l’étranger (îles Britanniques, pays nordiques et pays baltes) : 1,24%. A faire une campagne à la Hidalgo, on obtient un score à la Hidalgo. Et puis cette affiche… un faux canard avec un bec tête de cochon… une chimère quoi…
Dernièrement, nous avons rencontré des personnes qui ont accepté de poser pour nous. Telles quelles, y’a pas à chier, elles nous donnent envie de les défendre. Le réel. Toujours le réel.
Pour finir, dire qu’il émerge au sein de la mouvance animaliste un courant de pensée libéral et fréquemment réactionnaire assez incompréhensible qui s’affirme de plus en plus en contrepoint de ce que dit le podcast Véganisme, écoféminisme… des trucs de Blanc·hes ? En effet, le véganisme et l’antispécisme sont majoritairement représentés par des personnes mâles, blanches, qui ne semblent pas voir combien elles exploitent la question de la condition animale en ce sens que cela leur permet d’assoir un renouvellement de domination tout en refoulant la question de la colonisation et de la place des dominé.e.s ou racisé.e.s, qui pourtant elleux aussi ont tout intérêt à intégrer le véganisme comme philosophie de vie et activisme contre toutes formes d’extractivisme, matériel ou culturel.
Pour ces personnes bloquées sur la question animale, la complexité du monde n’existe pas. Selon eux, globalement les gens vivraient mieux qu’avant alors tout va bien. La technologie permettra de maintenir pour une poignée d’entre nous une Terre à peu près vivable, alors tout va bien. Tout va bien surtout, s’ils conservent leur vie actuelle et ses privilèges, et ils préfèrent se préoccuper de viande de synthèse plutôt que de partager l’espace vital avec celleux qui en sont dépourvu.e.s. Les animaux sont leur meilleur alibi.
K&M
Les animaux, Vendredi et Robinson
