« VÉGANO-SCEPTIQUE » — ET TA SŒUR ? — SUR LE PAMPHLET DE PIERRE-ÉTIENNE RAULT

« VÉGANO-SCEPTIQUE » — LE PAMPHLET DE PIERRE-ÉTIENNE RAULT

 

 

« Le monde pourrait vivre sans tuer ni animal ni végétal. »
Théodore Monod (1902-2000)

 

« Moi-même en tant que mangeuse à la sensibilité écologique et éthique très développée… »
Marie Astier en préface à Végano-sceptique…, p.15

 

« Je tire mon lait du ciel et de la terre. »
Henri-David Thoreau — Journal, 3 novembre 1853

 

 

   Il y a de nombreuses années de cela nous n’aurions pas pensé être un jour en désaccord avec quelqu’un comme Pierre-Étienne Rault. On peut même affirmer que nous aurions été de son côté, mise à part la critique qu’il vient d’adresser aux véganes et dont nous allons parler. Comment ne pas en effet défendre le modèle de vie des « petits paysans », ces gens qui aiment la terre, le travail vrai dans la nature, préfèrent la qualité à la quantité — bref des hommes et des femmes avec une conscience écologique de leur travail et qui vont à contre-courant du modèle dominant du productivisme néo-libéral ? Hélas, et c’est ce qu’on vous disait il y a peu lorsque nous chroniquions le dernier essai de Valéry Giroux, il est parfois qui sortent de l’ombre et vous tirent dessus à boulet rouge des ennemis qu’on soupçonnait à peine et qui, bien que vous défendiez des valeurs de justice en lien avec un engagement éthique pourtant irréprochable, sortent du bois comme on donne la battue à un être innocent — entendez par-là : qui ne vous a rien fait pour mériter qu’on le chasse — et hurlent à qui mieux mieux à défaut de pouvoir vous faire disparaître, que vous êtes responsables de tous les maux du monde moderne. Ce personnage donc, c’est le susnommé Pierre-Étienne Rault, jeune berger breton et éleveur de bovins de son état et qui vient de publier aux éditions du Dauphin l’horrible diatribe, l’insane épure, que dire ? la fielleuse dispute, le coup bas, l’attaque déréglée et prétentieuse scribouillardise intitulée du pernicieux nom de Végano-sceptique — surfant sur la vague du malheureux climat homonyme — et sous-titré : Regard d’un éleveur sur l’utopie végane, rien que ça ! Allez ; décryptage.

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LA VIE AYANT DROIT — DÉAMBULATIONS CURIEUSES LE LONG DE TEXTES INTERSPÉCIFIQUES (COLLOQUE ET JUSTICE) — RECUEIL DE TEXTES

LA VIE AYANT DROIT (COLLOQUE ET JUSTICE) — RECUEIL DE TEXTES

 

 

« Il y a donc bien là une urgence pratique et une nécessité « vitale ». »
Frédéric Worms — p.20 in Le moment du vivant.

 

 

Hominem causa omne jus constitutum.
Du juriste romain Hermogénien : « Tout droit est établi en faveur des hommes » (devient) un anachronisme qui perdure obstinément au mépris des sensibilités nouvelles.
p.48 in Tant qu’il y aura des cages.

 

 

« […] le désir de justice et celui d’inconnu. »
p.108 in La condition postmoderne — Jean-François Lyotard

 

   C’est un monde étrange — le monde dans lequel on vit, n’est-ce pas ? Car pour qu’il y ait véritablement monde il faut qu’il y ait vie. La vie comme une récitation du monde, de l’Être. La vie gagnée sur le silence originel comme un déchirement de la matière par autre chose de quasi indicible. D’ailleurs les animaux n’en parlent pas, ils en font une expérience directe, et muette — à nos sens inadaptés — et se contentent de la vivre, leur vie. Car enfin, mais si ça ne dit rien comment cela pourrait-il avoir des droits à soi ces bêtes-là ? ce que défend  Steven M. Wise dans Rattling the Cage en 2000. Et nous, dans l’empressement de possession du tout du monde, il nous est trop peu que de n’en croquer l’usufruit pour un temps, certes bien incertain, mais ça au moins on en est sûr. Le comble ne réside-t-il pas dans ce temps interminable et ces tâtonnements au petit bonheur la chance pour en arriver là au travers des âges, oui là au centre absolu et intersubjectif du monde : à nous ? Lire la suite

VÉGANOSOPHIA — LA BIOPOLITIQUE DANS L’ONTOLOGIE (PARTIE VIII)

VEGANOSOPHIA 

Nihil animali a me alienum puto
   « L’objectif des veganosophia réside, dans le croisement de données et l’intertextualité ainsi produite, dans la volonté de poursuivre le questionnement philosophique fondamental du véganisme contre l’exploitation animale. Chaque partie publiée est susceptible d’être augmentée, développée ultérieurement à sa mise en ligne, ou prolongée de manière directe ou indirecte dans d’autres textes « véganosophiques ». »

 

LA BIOPOLITIQUE DANS L’ONTOLOGIE — MODALITÉ DES ÊTRES DU MONDE (PARTIE VIII)

 

   14) Transhumance :
   Là où l’Être est épuisé pour ces êtres, les étant-vivants ont de tous temps pris la seule décision qui s’impose alors : la migration. C’est proprement du lieu devenu invivable, même s’il le redeviendra peut-être — sans doute — que l’on part chaque fois que cela est nécessaire au survivre. Toutefois, dans un monde sous occupation telle que la Terre porte l’Humanité, il devient extrêmement plus difficile de partir. Partir pour quitter la désolation, au péril de l’isolement, de l’échec. Loin que les animaux non-humains aient encore à effectuer de nouvelles trajectoires quand les flux migratoires séculiers ne sont plus praticables, les hommes eux-aussi ont à s’affranchir des topologies qui sont les leurs. Et comme les animaux qui ne sauraient désormais toujours franchir les espaces pour trouver une herbe plus verte ailleurs, non pas aussi facilement qu’avant car ça n’a jamais été facile, les uns comme les autres, les humains comme les non-humains, doivent faire avec des contraintes de l’ordre de l’insurmontable. Comment pour les uns surpasser les frontières gardées et les montagnes administratives, et pour les autres traverser les océans bitumés, les forêts d’immeubles illuminés et littéralement déroutant que les hommes érigent et étalent ? En revenant sur une autre remarque de l’ethnologue Claude Lévi-Strauss, on veut faire mieux transparaître, rendre manifeste, l’âgon (ἀγών) tel qu’il s’exerce déchirant l’Être. Dans La pensée sauvage, que nous dit Lévi-Strauss sur la Vérité de l’Être et qui ait un impérieux rapport avec notre engagement biopolitique ? Il écrit, en 1962 : « c’est l’herbe en général qui attire l’herbivore.[1] » Lire la suite

DE L’ÉVOLUTIONISME CHRÉTIEN OU LE NOUVEL HUMANISME NAISSANT — D’APRÈS LECTURE DE « L’ÉGLISE ET L’ANIMAL » D’ÉRIC BARATAY

DE L’ÉVOLUTIONISME CHRÉTIEN — D’APRÈS LECTURE DE « L’ÉGLISE ET L’ANIMAL » D’ÉRIC BARATAY maxresdefault
« [L’animal] Il est à la fois un domestique donné par Dieu et un missionnaire encourageant ses maîtres à penser à lui et à rester dans la bonne voie. »
In L’Église et l’animal, p.81
« La Vie fonctionne à l’inverse du second principe de la thermodynamique. »
Edgar Morin (à propos du darwinisme) in Introduction à la pensée complexe, p.132
Je ne demande pas quand finiront ses jours
Une place de choix dans les divins séjours
Mais dans un coin obscur, loin du cliquant des fêtes,
Le silence et la paix au paradis des bêtes.
Poème de Luce Vincent Marty,
adhérente pro-animale d’une association catholique, fin des années 80
cité dans L’Église et l’animal
L'eglise et l'animal   Dans son Histoire mondiale des sciences (1988), Ronan Colin évoque ce qu’on peut voir comme des prémisses au darwinisme quand Empédocle parle de l’« évolution » de l’univers, de la création des animaux, etc. : « Il croyait qu’à l’origine différentes parties d’animaux — des membres et des organes — se formèrent et qu’elles s’assemblèrent par la suite. Aux premiers âges il en résultat la création de monstres, d’où les légendes à leur sujet, mais ces monstres n’étaient guère adaptés à leur environnement et ne pouvaient survivre ni se reproduire. Par la suite cependant, des formes satisfaisantes, en harmonie avec leur environnement, surgirent : elles réussirent à engendrer des petits et, de ce fait, elles survécurent. » (p.113 in op. cit.) Il s’agit d’une vision bien entendu pré-anthropocentriste dans le sens de la domination de l’Homme sur l’animal-ité telle qu’elle s’est construite et exercée à l’encontre des animaux dans le monde occidental chrétien, avec ses hauts et ses bas pour les animaux… Histoire des sans-voix qui nous parle de nous, mieux sans doute encore que toute autre forme d’historiographie. Éric Baratay, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Jean Moulin Lyon 3, a adjoint cette année à ce long travail de recherche durant les années 80 et 90 publié la première fois en 1996, une annexe sur les deux décennies écoulées depuis, où l’on voit que le statut de l’animal a fortement évolué dans le monde chrétien, même si, comme souvent, la France est à la traîne sur la question. L’occasion ici de partager sur cette Histoire en images à partir d’extraits de cet excellent essai qu’est L’Église et l’animal que nous vous invitons vivement à lire.

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VILLE-MONDE VÉGANE — UTOPIA POUR LES VIVANTS — EN LISANT “ZOOPOLIS” DE SUE DONALDSON & WILL KYMLICKA

VILLE-MONDE VÉGANE — EN LISANT “ZOOPOLIS” DE SUE DONALDSON & WILL KYMLICKA
« Ils ne souffrent jamais qu’un citoyen tue aucune bête,
parce qu’ils pensent que par cela petit à petit
on pourrait perdre la pitié et la clémence,
qui est la plus humaine affection de notre nature. »
Raphaël à Morus, L’Utopie, livre second. Thomas More

 

« Nous entrons dans une pensée qui doit avoir de l’avenir — il en va de la sauvegarde écologique globale — de la zoopolitique. Il n’est pas besoin, en définitive, de donner des droits aux animaux, cette projection de nos propres Droits de l’Homme.
Il faut repenser notre façon de voir, de faire, de vivre notre politique. »
— d’après P. Llored — philosophe
lors de la conférence Du Coq à l’Âme
organisée par l’Association La Nuit avec un Moustique
Fontenay-sous-Bois ; 6 juin 2015

 

   Le conseil étant éclairé et motivant, nous n’avons pas pu attendre la publication en français de l’essai Zoopolis (A Political Theory of Animal Rights) (2011) de Sue Donaldson et Will Kymlicka.
Zoopolis   Bien que Patrick Llored explique qu’en fin de compte les animaux n’ont que faire d’avoir des droits, précisons tout de même pour les non anglophones, que Zoopolis est sous-titré : Une théorie politique des droits des animaux. C’est dire que l’ouvrage fait suite, d’un point de vue tout à fait anticipateur — façonnant au fil de la réflexion une sorte d’utopie créatrice — aux travaux des pairs de la philosophie de la question animale que sont Peter Singer, Tom Regan, Gary Francione, entre autres et pour les plus célèbres. À cela Sue Donaldson et Will Kymlicka ont structuré leur pensée à l’aide de penseurs écologues, de l’éthique de l’environnement tels que Clara Palmer, Martha C. Nussbaum ou encore John Baird Callicott ou Steve Sapontzis, etc. (penseurs de la deep ecology [écologie de fond] et de l’écosophie). Zoopolis est écrit sous un angle général libéral, où il faut ici entendre « libéralisme » dans le sens de l’émancipation et de la protection de tous les individus, en dehors de son usage courant (si ce n’est : galvaudé) associé à une économie capitalistique et, paradoxalement mais c’est un paradigme à la fois, concurrentielle. Si le capital se targue de ressembler à la Nature — d’être naturel — en cela que dans le procès du travail, dénoncé par Marx[1], de type production-forme-marchandise/ abandon de la forme-marchandise/ retour à la forme-marchandise, et par conséquent de se la jouer « éternel retour », il n’en va pas de même ici où le cadre social-économique ne se donne pas des airs faussement évolutionnistes pour se justifier. Ici tout est mis à plat, et on pourrait même dire mis à plat de manière ontique, c’est-à-dire aux sens des « étant-vivants » hic et nunc et ensemble sur cette Terre.
   Petit survol de cette ville-monde végane idéale. Lire la suite